« Le Christ clown ? Et si Dieu était clown ? »

Le clown, figure de l’autre en soi-même

Vie&Liturgie, no. 99, mai 2014, p.6ss ; sixième partie

Devant le clown, Dieu lui-même ne peut être sûr, ni de ce qu’il dit, ni de ce qu’il fait. Ne lui reste comme issue que de devenir clown lui-même, en se dépouillant en Christ1. L’échec est programmé ; mais il y a résurrection. Le tombeau est vide, ne reste que le nez. Quand on n’a plus d’autres possibilités, on devient clown, encore une fois, même pour Dieu. C’est ainsi que la vie l’emporte sur la mort. Dieu est un enfant ! Et si vous ne devenez pas comme les enfants, vous n’aurez pas accès au royaume2. Pour le clown, « Dieu clown » n’a du sens que sous forme de question. Y répondre d’une manière affirmative ferait s’écrouler l’affirmation. Le clown vit le principe d’incertitude, ou d’indétermination. Le clown est prophète, il peut seulement symboliser ce qui advient ; il ne peut être le garant de ce qu’il représente, et dénonce aussi. Sauf Dieu clown lui-même, en Christ. Le fou du roi ne peut être roi. En conséquence, il ne peut pas englober l’ensemble du ministère du Christ, seulement la partie prophétique, pas le sacerdoce, ni la royauté. En tant que fou du roi, institutionnellement, il ne peut pas menacer le pouvoir du roi ; s’il le fait, il risque la peine capitale. Le clown n’est pas contre-pouvoir. Le clown ne peut pas être pape. Il est seulement contre tout pouvoir ; c’est ça son pouvoir. Et c’est ainsi qu’il menace le pouvoir, l’institutionnel. Il est violemment non-violent ; il ne tranche pas, il vit, et supporte ainsi toute contradiction et opposition. Il se laisse trancher, écarteler ; mais il n’en meurt pas.

L’éthique du clown est minimale : « Tu ne toucheras pas le nez ! », ni le tien, ni celui de l’autre. Tout est possible, sauf … ? Pas de passage à l’acte ! Tu ne quitteras pas la piste, ou la scène, même quand tu la quittes.

Le clown ne peut pas mourir, même s’il meurt ; ce n’est que du clown. C’est ça, finalement, son côté tragique. Passer à la vie, pour lui, c’est disparaître. Quand le clown meurt, son tombeau est vide ; ne reste que le nez. A la fin, les rires l’emportent sur les pleurs.

Armin Kressmann 2014

Lire la suite …

1 H. Cox ; « Le Christ en arlequin » ; in : « La fête des fous » ; Seuil, Paris 1971 ; p. 166s

2 Marc 10,13-16

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.