Le clown est fondamentaliste

Le clown, figure de l’autre en soi-même

Vie&Liturgie, no. 99, mai 2014, p.6ss ; troisième partie

Le clown est fondamentaliste au-delà de tout fondamentalisme. Il naît et fait naître, constamment ; c’est ainsi qu’il s’épuise ; on pourrait l’appeler « kénose ». Il s’y ressource aussi. Dans son humanité, il est divin. Le clown n’est jamais clown ; ou toujours. Pour lui tout est existentiel, non-aliéné1, tout est fondamental ; au même temps, rien ne l’est. Parce que rien ne l’est, sauf … Sauf quoi ? En quoi le clown croit-il ? En tout et en rien. Sa vie est paradoxale ; sa mort aussi ; presque un dieu, – « tu en as presque fait un dieu : tu le couronnes de gloire et d’éclat. »2 -, dans sa puissance et dans son impuissance il est pleinement humain, pleinement divin. Ce qui le protège de l’hybris est son nez ; celui-ci, étant « au ciel », pointe une transcendance, un ultime, la personnalité ultime, toute personne comme finalité ultime. En conséquence, l’ultime ne peut être qu’une personne. Le masque devient visiblement personne ; il manifeste la personnalité de la personne. Quand tout disparaît, ne reste que le nez ; et les chaussures, peut-être ; suaire et bandelettes. Le clown est un spirituel … mais pas religieux ; il est juste religieusement spirituel. Il vit une spiritualité non-institutionnelle, donc areligieuse, marginale et subversive. Son principe de vie est le paradoxe ; le clown est un mystique, sa théologie est négative :

« ‘Quel sens de parler de Dieu ?’ (R. Bultmann). Quel sens y a-t-il de parler de Dieu que personne n’a jamais vu et qui se communique d’une manière telle, que l’impossibilité de le voir n’est pas annulée, mais qualifiée comme espace, dans lequel sa communication peut être entendue et reçue ? la théologie négative a comme but de parler de Dieu en une manière qui est adéquate à sa révélation concrète et à sa propre communication, afin que soient respectées la responsabilité et la justification de la foi ; de parler de Dieu qui lui reste caché dans sa révélation, mais se fait percevoir et reconnaître par l’homme dans la foi. En ce sens la théologie négative n’est pas silence, mais parler de Dieu sur la base de sa révélation et de sa communication sous l’angle de vue du fait que Dieu est caché dans sa révélation et dans sa communication. »3.

Le clown, l’Église en tant qu’institution qui veut rendre Dieu manifeste, visible, tangible, ne l’aime pas.

« L’image symbolique du Christ en clown semble éminemment convenir au tout-début de l’histoire chrétienne. Elle ne put subsister pourtant quand l’opinion de l’Eglise sur elle-même passa du ridicule au sublime. Quelle place y a-t-il pour la caricature quand les ornements royaux de l’Eglise sur elle-même sont pris au sérieux ? »4.

Armin Kressmann 2014

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1 P. Tillich

2 Psaume 8,5

3 R. Stolina ; « Niemand hat Gott je gesehen, Traktat über negative Theologie » ; de Gruyter, Berlin 2000, p. 3Ss ; trad. AK)

4 H. Cox ; « La fête des fous » ; Seuil, Paris 1971, p. 168)

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