Qu’est-ce qu’un fait ? (Olivier Keshavjee) – Pâques et la résurrection

Qu’est-ce qu’un fait ? – Réponse à Armin Kressmann

Je comprend la volonté de séparer les domaines de la connaissance comme tu le fais, mais je crois que c’est un rêve. Il n’y a pas de « fait » qui ne soit interprété; nous n’avons pas accès aux « faits brutes », même via « la science ». Notre perception des faits dépends de la théorie que nous habitons. (Les conflits en science, ce n’est pas uniquement de trouver une théorie que corrobore les faits, mais c’est de ce mettre d’accord sur quels sont les faits significatifs.)

Cela ne nous empêche pas de dire que quelque chose est un fait, mais c’est un risque que je prends, un engagement de ma part, et pas un acte impersonnel et objectif de la pensée ou de la science. Et ce que ce soit pour dire « le Christ est ressuscité » ou pour dire « les disciples ont dit que le Christ est ressuscité »: dans le premier cas le risque est plus grand que dans le second, certes, mais il n’y a pas de différence qualitative entre les deux. Autrement dit, quand je dis « le Christ est ressuscité » je dis exactement la même chose que si je disais « J’affirme que le Christ est ressuscité » (pareil pour « les disciples ont proclamé la résurrection du Christ », qui est de facto synonyme stricte de « j’affirme que les disciples ont proclamés la résurrection du Christ ». Pareil pour « e=mc² », « nous sommes le 1er mai », etc.). Aucune mesure de science, de pensée, ou de méthode ne peut réduire cela.

Et donc pour moi, Pâque c’est la joyeuse affirmation du fait de la résurrection du Christ. Même si certains ne voient pas ce fait, ou le nient, ou trouvent que c’est de la folie. Bien sûr, cela ne contredit en rien le fait que ce soit la foi qui sauve et non la science, on a juste une définition de « fait » différente.

Accessoirement (et c’est une vraie question), si c’est la foi qui sauve et non la connaissance, pourquoi ce besoin urgent de venir vite corriger mon exclamation en ce glorieux jour de Pâques, de manière si impersonnelle? (comme deux autres commentaires dans la même ligne) Comme s’il fallait préserver la bonne pensée et corriger rapidement les erreurs des autres? Est-ce que mon épistémologie post-critique est une menace pour la foi et la science, l’Eglise, le Ressuscité? Pourquoi ne pas me demander plutôt ce que j’entends quand je dis cela? Pourquoi ne pas lire les autres choses que j’ai écrite à ce sujet avant de répondre en slogans [« le fait n’est pas le fait mais l’affirmation du fait … »]? Est-ce que c’est ça l’esprit de Pâques?

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