Église, culte, handicap, intégration – Quand la bière nous précède

Je n’ai pas l’habitude de mettre de la publicité sur mon site, et encore moins pour la bière. Mais quand un clip vidéo publicitaire montre mieux que tout discours ou toute théorie ce qu’est intégration ou inclusion aujourd’hui, on ne va pas s’en priver. Ce qui y est illustré suspend le handicap, au point qu’il n’y plus de handicap. On y revient à la définition positive du handicap, telle qu’elle est parfois encore vécue dans le sport, d’où vient le terme handicap à l’origine même :

le plus fort se met en situation de handicap, au même niveau que le plus faible, de sorte que le jeu soit ouvert et que chacun des participants au jeu ait la même chance de l’emporter.

Quel lien avec le culte ?

Ici aussi il y a une sorte de jeu ; on l’appelle liturgie. Cependant, pour beaucoup de participants, celle-ci est inaccessible, au point qu’un bon nombre de ceux et celles qui pourraient encore s’y intéresser, n’y participent plus. Si on appliquait ce que véhicule le spot publicitaire à ce qui se vit dans nos églises, et liturgie et ecclésiologie devraient changer radicalement. Et il ne s’agirait pas seulement d’introduire des cultes spéciaux, en famille, pour jeunes, ou autres, mais de revoir la forme des cultes ordinaires, de sorte qu’on chercherait des manières d’expression nouvelles avec les publics aujourd’hui mises en situation de handicap par ce que nous pratiquons habituellement.

La déclaration « Une Église de tous et pour tous » du Conseil œcuménique des Églises le dit clairement :

Dans nos Églises « les personnes handicapées sont (toujours) considérées comme des êtres faibles, qui ont besoin qu’on s’occupe d’elles, … comme des objets de charité, des personnes qui reçoivent ce que d’autres personnes leur donnent. Lorsqu’elles sont ainsi considérées, il ne peut y avoir de rencontre sur pied d’égalité …

Les structures conservatrices des Églises, souvent associées à ses institutions charitables, ont imposé des manières désuètes d’interpréter le handicap.

Lorsque de nouvelles façons de percevoir le handicap se font jour dans la société, elles remettent en cause les interprétations théologiques traditionnelles. »

C’est ici que le monde, en l’occurrence la bière, nous précède ; il illustre l’utopie qui est la nôtre et en laquelle, me semble-t-il, nous ne croyons plus : le royaume de Dieu comme réalité donnée et possible.

Quand on considère « que l’idée selon laquelle l’être humaine est fait à l’image de Dieu », cela « signifie que chaque personne est faite à l’image de Dieu ».

« Dieu veut que tout un chacun soit accepté et inclus dans une communauté d’interdépendance dans laquelle chacun soutient et conforte l’autre, et dans laquelle chacun vit pleinement sa vie en fonction des circonstances et pour la gloire de Dieu. …

Toute vie humaine est un don de Dieu … Dans la Genèses … Dieu vit que tout cela ‘était bon’. Dieu n’a pas dit que c’était ‘parfait’. … Être à l’image de Dieu, ce n’est pas simplement lui ressembler, c’est aussi avoir la possibilité de devenir tels que Dieu nous veut. … chaque être humain possède un don inné et a quelque chose à offrir.

Le ministère que nous exerçons … nous appelle à contester notre culture dans laquelle priorité est donnée à une image qui convienne au monde plutôt qu’à l’image de Dieu.

… il appartient aux Églises de reconnaître la réalité de l’humanité dans le visage d’un Jésus handicapé – la réalité de personnes qui, souffrant d’un handicap, sont rejetées et abandonnées. »

Dans ce sens, les aumôneries auxquelles j’appartenais et que je soutiens toujours sans réserves, au lieu de provoquer les ruptures nécessaires en Église et en société, afin que toute personne ait sa place, dans l’Église, dans le culte, en paroisse, le dimanche matin, renforcent et bétonnent l’exclusion. Et mieux qu’elles le font, comme les institutions socio-éducatives en général, plus elles justifient la marginalisation et affranchissent de leurs devoirs les Églises et la société. Finalement, l’état actuel des faits est bon, rien à changer, « regardez plutôt comme ces pauvres et petits l’ont bien dans nos établissements, dans leurs locaux souvent modernes et bien aménagés, presque comme à l’hôtel et mieux comme beaucoup d’entre nous chez nous, les normaux. »

« Peut-être faudra-t-il réaménager notre espace, repenser la manière dont nous célébrons la liturgie, reconsidérer le rôle joué par chaque personne. Le drame de la liturgie et le drame du handicap ont tous deux pour thème la fragilité de notre vie et notre dépendance à Dieu. Il nous faut arriver à intégrer nos luttes dans notre culte de façon que les symboles de la liturgie nous parlent. »

Il ne faudra pas « peut-être » ; il le faudra … sinon Église n’est pas Église.

Armin Kressmann

 

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