Luc 1,39-56 ; notes exégétiques et homilétiques : Semaine de prière pour l’unité des chrétiens – Cet œcuménisme qui nous précède

(avec André Chouraqui ; Loucas, Evangile selon Luc ; JClattès, 1993 ; François Bovon ; L’évangile selon saint Luc ; Commentaire du Nouveau Testament IIIa, Labor et Fides, Genève 1991)

Pour la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, du 18 au 25 janvier 2013, nous est proposé le thème de la marche, avec le prophète Michée :

« Avec quoi me présenter devant le Seigneur ?

On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien, ce que le Seigneur exige de toi :

Rien d’autre que le respect du droit, l’amour de la fidélité, la vigilance ou l’humilité dans ta marche avec Dieu. » (Michée 6,6a.8)

Le dimanche 20 janvier, dans la région de Morges et d’Aubonne, dans le canton de Vaud, catholiques, évangéliques et protestants réformés se retrouvent pour une marche ; celle-ci se terminera à Lavigny, dans la chapelle pour la célébration finale, puis au Centre de loisirs pour le repas.

Parmi les textes bibliques qui figurent dans la brochure de préparation, pour « Marcher et célébrer », il y a le Magnificat, le cantique de Marie (Luc 1,46-55). J’ai l’intention de le proposer à l’équipe de préparation, d’autant plus qu’il a déjà servi de fil rouge pour une autre célébration importante, le culte télévisé entre Rolle et Lavigny du dimanche 19 décembre 2010.

Après l’annonce par l’ange de la naissance de Jésus, Marie se rend chez Elisabeth et partage avec celle-ci l’heureuse nouvelle.

En cet enfant, l’enfant de Noël, la promesse de l’alliance s’achève et s’accomplit. En Jésus Christ, l’œcuménisme nous précède ; il n’est pas à réaliser, mais à recevoir ; le chemin est tracé. Qui l’emprunte et le suit est chrétien. Comme Marie reçoit l’annonce de la naissance, ensuite son fils, sa vie jusqu’à la croix et à la résurrection, ainsi nous sommes invités à le recevoir et en le faisant à recevoir le corps du Christ, l’Église universelle, la communauté œcuménique dans sa diversité, tous ceux et celles qui « respectent le droit, l’amour de la fidélité, la vigilance ou l’humilité dans leur marche avec Dieu », même au-delà des églises instituées et des communautés particulières.

L’œcuménisme est une naissance dont la matrice est le tombeau vide de la résurrection, le lieu d’enterrement de nos efforts vains de construire ce qui n’est qu’à recevoir :

Dieu comble de son unité les humbles et les affamés et les riches sont renvoyés les mains vides.

v. 38

« Marie fait comme Abraham ; elle accueille dans l’émerveillement la promesse qui lui est faite. » (Chouraqui)

v. 39 « marcher » (Marie « part ») a une signification théologique :

« parcourir le pays selon la volonté et le plan de Dieu. … Les hommes et les femmes de la Bible sont en marche, dès que l’action de Dieu se fait sentir. » (Bovon)

v. 40.41 Salutations :

« Dieu intervient et inaugure le salut au travers de relations humaines. »

v. 41 A l’annonce faite à Elisabeth, l’enfant qu’elle porte elle-même, « tressaille dans son ventre » et Elisabeth est « remplie par le souffle sacré », le Saint Esprit.

v. 45.48 « En marche !»… bienheureux

„Implique moins la béatitude, le bonheur, que le cheminement qui y conduit … Les cantiques d’Elisabeth et de Marie sont directement inspirés par les Psaumes et par les prières habituellement récitées dans les synagogues par les Hébreux. » (Chouraqui)

v. 46 « Mon âme », le moi conscient et intérieur.

v. 47 « Mon esprit », les facultés affectives.

L’âme, mon moi conscient et intérieur exalte le Seigneur … Extériorité … me rappelle le commandement d’amour de Luc 10,27.

Mon esprit, mon affectivité, mes facultés affectives, sont remplis d’allégresse … Intériorité.

v. 48 « Lorsque Dieu tourne son regard vers les hommes, c’est qu’il ne les oublie pas. »

Le regard de Dieu – jugement et salut – conscience (l’âme) et pardon (ou acceptation de la personne et de ce qui fait sa dignité ou sainteté, proposition d’allégresse, d’allègement du fardeau d’une mauvaise conscience ; cf. v. 51, « le désordre du cœur »).

« La situation en bas », le bas de l’échelle sociale et économique ; le constat exprime aussi la distance qui sépare Dieu de sa servante (son serviteur).

D’où la pertinence de la béatitude « En marche ! », d’une passivité (« Gelassenheit ») qui est sérénité et confiance, qui sait lâcher prise, mais qui sait aussi se mettre en marche, se déplacer, se décentrer, se laisser dé-ranger (par l’enfant qui naît).

Ainsi la marche de l’unité n’est pas une marche vers l’unité, – comme c’est toujours présenté, aussi dans la brochure de cette année -, mais une marche qui part de l’UN qu’est Dieu vers un corps diversifié dans lequel chaque pro-jet a sa place, aussi longtemps que celui-ci sa laisse re-garder par ce regard de Dieu qui juge et sauve au même temps (le Dieu saint, donc inaccessible, et miséricordieux, qui se fait accessible, des versets 49 et 50). Si unité il y a, elle est en Dieu UN, saint et inaccessible. Nous sommes ensemble, mais pas UN autrement qu’en Dieu invisible (Jean 1,18), mais miséricordieux. La miséricorde est en conséquence la seule possibilité de rendre Dieu un peu visible, ce que la croix nous enseigne par excellence. Encore une fois, rien contre la justice (ou la morale, ou l’institution, ou l’église), au contraire, Dieu nous demande même à la vivre, mais ce n’est pas elle qui fait voir Dieu. Sa justice nous échappe, mais pas sa miséricorde.

La miséricorde est Dieu accessible : « Il a porté son regard sur son humble servante. En marche ! »

En marche, avec ce message, qui s’appelle aussi Évangile, bonne nouvelle, expression de la marche, finalement aussi sainteté, justice, mais invisible, inconnaissable.

Marie ne se voit pas, jamais ; sinon ce n’est pas Marie. L’humilité qui se voit et qui est mise en scène n’est plus humilité. C’est ça l’offre faite aux gens d’en bas : En marche ! (et pas « bienheureux, parce que tu es en bas », mais « en marche, même si tu es en bas »).

 « La Fraternité, ce n’est pas seulement voir les pauvres comme des gens qui manquent et qui ont besoin d’être aidés mais comme des personnes qui ont des richesses à partager » (Brochure de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens 2013)

v. 49 « les grandes choses »

Délivrances … Sortie d’Egypte

v. 49.50 Les attributs de Dieu :

  • La sainteté de son nom
  • L’éternité de sa miséricorde

Le reste, notamment sa justice, nous échappe.

Dieu n’est pas bon, ni juste, dans le sens moral habituel de nos termes, il est saint et miséricordieux. Sa justice est loin de notre justice, donc loin de notre morale aussi (Esaïe 55,8). Cependant, ce ne veut pas dire que morale et justice n’auraient pas de valeur ; mais le sens de la morale et de la justice ne sont pas dans la morale et dans la justice. Leur finalité est ailleurs : dans la sainteté (la dignité disrions-nous aujourd’hui peut-être), qui nous échappe et qui ne se confond pas avec notre sainteté morale. Être bon et juste ne suffisent pas ; devant l’homme, peut-être, mais pas devant Dieu.

v. 51 Le châtiment de Dieu : être livré au « désordre de son cœur ». Serait-ce la « ‘mauvaise’ conscience » ?

v. 52.53 Ainsi le renversement des situations ici présenté ne se réduirait pas au seul « programme eschatologique », comme F. Bovon le pense, et la logique de la rétribution serait dépassée, en cet enfant qui naît, en chaque enfant qui naît (Luc 18,15-17).

« Mind map » de la prédication sur Luc 1,39-56, Semaine de l’unité 2013, chapelle de l’Institution de Lavigny, accueil des paroisses catholique, réformée et évangélique de la région.

Armin Kressmann 2012

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