Marc 10,17-31 ; notes exégétiques et homilétiques : « avoir et être », donner pour désirer

(avec Étienne Trocmé ; L’Évangile selon saint Marc ; Labor et Fides,  Genève 2000)

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Marc 10,13-31 ; notes exégétiques et homilétiques : tous « amentes », « pour que les œuvres de Dieu se manifestent »

v. 17 Recevoir la vie éternelle » : La question concerne le destin personnel.

La plénitude de la vie

Racine indo-européenne aiw-      « Lebenskraft und Lebensdauer », force et durée de vie

Quel effort ? Ce qui est la mauvaise posture.

v. 19  Les commandements mosaïques

L’interdiction de la fraude ne figure pas dans le Décalogue : « Tu ne commettras pas de fraude », « tu ne feras pas de tort à personne » (TOB)

Être un bon citoyen ! Rien n’est dit au sujet des devoirs envers Dieu.

v. 20  La morale civique ne suffit pas pour une vie en plénitude.

Quel sens à la loi ? Quelle finalité ? … Le royaume … de Dieu … un vie en plénitude : « le monde à venir, la vie éternelle » … utopie et uchronie, donc un désir, un manque comme moteur de vie (« Lebenskraft »)

v. 21 Jésus est touché (« agapaô ») ; il éprouve de l’affection

« pôleô », « verkehren, Handel treiben … verkaufen », faire du commerce, mettre sur le marché ? Peut-on s’imaginer qu’il s’agit de la faire fructifier pour le bien de ce qui en manque, les pauvres ? Pourrait-on aussi parler de justice de (re)distribution ? Ne pas tenir à « ce qu’on a » pour ne pas « être tenu » par ce qu’on a. Faire un lien avec la parabole des talents !?

« ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres », fais-en quelque chose de « profitable » … « un trésor au ciel », donc ne pas une recherche de pauvreté (qui serait de nouveau possession, donc obstacle), mais une richesse qui ne fait plus obstacle (à la vie en plénitude).

Au riche manque le manque, matrice de nouvelle naissance et de con-naissance.

Suivre Jésus ? Ne pas de nouveau remplir le vide, mais tendre vers … l’agapè du même verset ? Désir infini, recherche de Dieu.

Contre Trocmé, – qui dit : « L’appel (de suivre) est soumis à quelques conditions préalables … », en fait de nouveau quelque chose de légaliste, une ob-ligation, donc ob-stacle -, j’y vois plutôt une posture, une attitude dans laquelle ce « qu’on a » (ou « qu’on n’a pas » comme quelque chose « qu’on a », qui préoccupe) ne fait pas obstacle au manque, au désir « affectif » de s’aimer soi-même, s’accepter tel qu’on est, et d’aimer autrui comme être avec ses besoins à lui (aussi le besoin de manque, donc être désirant ; la dimension « érotique » de la vie, mais pas tout de suite sexuée) ; désirer autrui comme enrichissement qui fait finalement plénitude. La réalisation d’autrui comme finalité de la réalisation de soi.

Aussi, ce passage interroge profondément le « fait institutionnel » comme « solution », suffisante, autosuffisante, quand celle-ci devient et est lieu d’exclusion (de « parcage », donc écartement de personnes qui devraient aussi être « désirées »). La loi ne suffit pas ; elle est nécessaire, « véhicule », mais pas suffisante. Le sens de la loi, de l’institution ou de la « grammaire » (du langage, de l’éthique, de la religion, etc.), n’est pas dans la loi (dans le langage, l’éthique ou la religion), mais symbolisé par l’esprit de la loi, la respiration étant le mouvement de vie le plus désirant : le rien (l’air, le vide, le manque, enveloppé par les poumons et la cage thoracique, aspire à … Le tombeau vide comme aspiration … la Galilée, l’ici et le maintenant, donc l’ascension comme remise de la mission).

v. 22 Une barrière sociale : « car il avait de grands biens »

Est triste celui qui ne désire pas ou plus : quelle triste vie ! à l’opposée de la vie en plénitude (dite « vie éternelle » ; le désir nourrissant l’éternité d’une manière « uchronique », évenmentielle, la possession la nourrissant d’un manière « chronique »).

v. 23  Une réflexion désabusée, qui n’exclut pas les riches du salut, mais se désole des difficultés auxquelles ils se heurtent.

v. 24  La difficulté à entrer dans le Royaume de Dieu concerne tous les hommes.

v. 27  Le salut est hors d’atteinte des hommes ; il est entre les mains de Dieu.

La toute-puissance capable de combler (définitivement) le désir n’est pas humaine (elle ferait, elle fait violence ; cette toute-puissance est la « richesse obstacle » extrême). Elle est à remettre à la bienveillance de Dieu (v. 21 ; « Dieu affecté », cf. p. ex. Esaïe ; affecté jusqu’à la croix).

En somme, avoir et être se complètent dans l’amour gratuit et inconditionnel (« agapè »).

Nous retrouvons le mouvement bien mis en évidence par Marie Balmary[1] :

Lier, délier, allier … comme respiration, spiritualité.

« Mind map » de la prédication sur Marc 10,17-22 du 19.10.12 à la chapelle de l’Institution de Lavigny

Armin Kressmann 2012


[1] Point commun entre psychanalyse et « prédication » (non moralisante, mais structurante), s’agissant les deux fois de parole(s) libératrice(s) ; Marie Balmary ; Le sacrifice interdit ; Grasset, Paris 1986, p. 188 ; « ver-stehen », décentrement. Qu’est-ce que cela veut dire : « Ich verstehe dich », je me dé-place et je te dé-place, les deux fois en posture debout, donc mettre debout (dans l’imaginaire et rationnellement), donc déplacement mutuel (« résurrection »).

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