Marc 10,13-31 ; notes exégétiques et homilétiques : tous « amentes », « pour que les œuvres de Dieu se manifestent »

(avec André Chouraqui ; Marcos, Evangile selon Marc ; JClattès, 1992, p. 170ss ; Fritz Rienecker ; Sprachlicher Schlüssel zum Griechischen Neuen Testament ; Brunnen, Giessen 1987)

v. 14 « il est pour leurs pareils, le royaume de Dieu », « aux pareils en effet le royaume de Dieu »

« so beschaffen, solcher », qui sont ainsi.

 « Damit sind alle Empfänger der göttlichen Gnade in dasselbe Verhältnis zu ihr gebracht, in dem die Kinder zu ihr stehen. » (Adolf Schlatter selon Rienecker), une proposition intéressante que je traduis : « Ainsi tous ceux qui reçoivent la grâce divine sont mis au même plan que les enfants, dans la même relation à cette grâce. »

Il ne s’agit donc pas de devenir comme les enfants, mais de se rendre compte que, devant Dieu, l’adulte n’est pas dans une meilleure posture : tous « amentes »[1]. Conséquence logique est l’invitation à accueillir ce royaume, identique à la plénitude de la vie (? v. 17), comme un enfant l’accueillerait : « comme ça », comme une évidence, même sans se poser la question « mais qu’est-ce que c’est ? ». Accueillir et accepter la vie telle qu’elle apparaît en plénitude, comme plénitude, parce que c’est la vie[2], telle qu’elle est, « pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui » (Jean 9,3) ; non pas comme fatalité, en acceptant tout, mais comme réceptacle de la grâce qui nous est offerte au nom et par Dieu.

 « Prendre sur soi ce que l’expression hébraïque traditionnelle appelle ‘le joug du royaume des ciels’. L’homme qui reçoit ‘le joug du royaume des ciels’ est celui qui prie sous la motion du souffle sacré, en présence d’Adonaï. » (Chouraqui)

v. 16 Le geste empathique par excellence : prendre dans ses bras (« in oder auf den Arm nehmen ») et bénir.

Ainsi, Jésus « exprime bien le souffle de tendresse que son enseignement entend introduire dans les âpretés, trop souvent sanglantes, du monde. » (Chouraqui)

 Devant cette réalité de la démence (et de « l’amence ») ce geste s’impose.

v. 17 La « vie en pérennité » (haïé ‘olâm en hébreu). Cette pérennité, en hébreu, « désigne la plénitude du temps et de l’espace conçus sous l’angle de leur mystère. Il ne s’agit évidemment pas du concept grec de l’éternité mais plutôt d’une correspondance de l’homme à la plénitude du réel, assumé en ses sources, en Adonaï. » (Chouraqui)

« Utopie et uchronie réelles »[3].

v. 18 « l’absolue primauté d’Adonaï » (Chouraqui)

v. 21 Détachement ; ce qui manque au riche est du/le manque

« Suis-moi », « en portant sa croix vers le supplice que Rome réserve à tous ceux qui se dressent contre son empire. » (Chouraqui)

 Rome, aujourd’hui, son empire ?

 Plénitude grâce au manque, ce qui n’est pas forcément ascèse, mais conscience du manque, du vide, sans volonté de vouloir le remplir. Le tombeau vide ne se remplit pas, plus. C’est en Galilée que nouvelle rencontre il y aura, dans cette vie « telle qu’elle est » (cf. plus haut).

v. 25 Le chameau, « hautain, passablement méprisant de tous ceux qui passent sous son regard, sûr de lui sur ses longues pattes et avec son long cou. économe invétéré de nourriture et de boisson qui font de lui, seul parmi tout le genre animal un ‘capitaliste’. » (Chouraqui)

v. 26 « Qui peut être sauvé ? »

Ainsi se boucle la boucle, avec la réponse « personne, sauf par Dieu », avec ce qui a été ouvert au v. 13

Dieu, ici et maintenant ? L’autre, le tout-autre, dont je dépends « pleinement ».

Il s’agit d’une réalisation de soi par l’autre, donc d’une réalisation de l’autre.

Ce n’est pas socratique, parce que même démuni du savoir de ne rien savoir (un savoir qui est hautain, comme le chameau).

« Mind map » de la prédication sur Marc 10,13-31 du 7.10.12 à la chapelle de l’Institution de Lavigny

Armin Kressmann 2012


[1] Argument contre le refus de baptiser les enfants et de leur donner « l’eucharistie ». Non pas la phrase « laissez les enfants venir à moi », mais ce constat de « non-différenciation » devant Dieu entre eux et l’adulte. Devant l’infini tout fini n’est rien, quel qu’il soit, plus grand ou plus petit. Devant Dieu nous sommes tous « amentes », « ohne Verstand », « nul n’est bon que Dieu seul » (v. 18)

[2] Et la vie est toujours plénitude, sinon c’est la mort, plénitude même là, et surtout là, où elle est menacée, donc une réalité qui est toujours digne et précieuse, ainsi « inaliénable » (Grundgesetz allemand) comme la dignité (humaine) l’est. N’est-ce pas une autre formulation de l’Impératif catégorique ?

[3] Quelle différence avec le « Augenblick » faustien ? Passivité ici (« Gelassenheit »), maîtrise, domination chez Faust ?

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