Significations du handicap mental – Faire étape 1 : Pourquoi le handicap ?

Pourquoi le handicap ?

Il y a 20 ans, avec un groupe d’enfants polyhandicapés des Golettes, Eben-Hézer, nous avons participé à un séminaire de théologie du professeur Klauspeter Blaser à l’Université de Lausanne :

Le handicap profond, que dit-il aux étudiants en théologie, quelle est sa signification pour la théologie, systématique et pratique ?

En arrière-fond nous étions habités par la question que les disciples ont posée à Jésus, question toujours d’actualité, même si nous la formulons aujourd’hui autrement :

« Rabbi, qui a péché pour qu’il soit handicapé, lui ou ses parents ? » (Jean 9,2)

On ne parle plus de péché, mais de faute ou de culpabilité (« coulpe », « colpa » ou « Schuld », devrait-on dire), on vise toujours les parents, parfois la personne elle-même, parce qu’elle dérange, on ajoute la médecine, – pourquoi ne l’a-t-on pas évité, le handicap, interrompu la grossesse ? -, toujours et encore il faut un fautif. En dernière instance, – et si c’est seulement d’une manière inconsciente, même en institution, en milieu spécialisé, même dans la famille elle-même -, la « faute » retombe sur la personne et ses parents.

La personnalité de la personne handicapée est mise en question, voire son humanité.

Une personne, est-elle « un handicapé », une personnes profondément handicapée, est-ce une personne, ou, une personne, vous, moi, avec tout ce que nous sommes, pouvons-nous, un jour ou l’autre, nous retrouver simplement en situation de handicap ?

Nous pouvons aller plus loin : même pour la médecine le handicap, parce que traité comme pathologie, est connoté « négativement », comme la vieillesse d’ailleurs, avec la « démence », ou certains passages de la vie comme la puberté ou la grossesse.

Le handicap, est-ce une pathologie ?

Polyhandicap, trisomie, autisme, psychose, déficience intellectuelle, épilepsie, aphasie, démence, cécité, surdité, vieillesse  …

Notre vocabulaire est médical, pauvre et négatif, pour dire ce que sont des personnes en leur positivité, différence et altérité, qui, en réalité, pourraient être envisagées anthropologiquement comme simples différences culturelles. Je suis Suisse et Bernois, roux et barbu, un homme, mâle, d’un certain âge, et ce ne sont pas des maladies. Pourquoi une fille, pourquoi un garçon, pourquoi un trisomique ?

Une vie, peut-elle être une pathologie ?

« amentes sunt isti – ce sont des fous », disait Descartes.

La discussion est-elle close avant d’avoir commencée, la personne en situation de handicap d’avance écartée et exclue, à partir de Descartes et le cartésianisme, comme Michel Foucault le prétendait ?

Est-on institué handicapé ?

Ce risque est toujours réel, parce que l’intégration de l’autre dans son altérité, – là où il est difficile, voire impossible d’en faire un même -, est elle-même extrêmement difficile, voire impossible, aussi longtemps que la seule logique ou raison (cartésienne) nous guide dans le vivre ensemble (dans la sphère publique).

« Le miracle n’est pas l’intégration de l’autre devenu par la « guérison » un même, mais son intégration comme autre. », disais-je.

Le handicap pousse la raison, donc tout ce qui est de l’ordre de la science, à sa limite, en l’occurrence l’éthique elle-même, censée traiter les enjeux que pose le handicap (et la folie).

Donc l’éthique est-elle transcendantale (Wittgenstein) ?

Est-elle, devant des situations extrêmes, même théologique ?

Ou encore : quoi faire quand Dieu ne suffit pas ?

Le sens d’une vie trisomique est dans la vie trisomique …

Armin Kressmann 2012

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