Marc 9,14-29 ; notes exégétiques et homilétiques : « guérison par intégration dans et transformation de la communauté »

Comme pour les récits de guérison en général, en Marc 9,14-29 aussi il est question de (ré)intégration dans la communauté de celui ou celle qui s’est retrouvé en situation d’exclusion. Ceci pourrait être compris comme l’essence même de ce qu’est la guérison et un miracle en un sens moderne. Gnilka[1] parle de rétablissement totale (de l’intégrité physique) et de réintégration dans la communauté (« völlige Wiederherstellung und Reintegration in die Gemeinschaft »).

Mais intégration dans quelle communauté ? Dans l’ancienne, celle qui a exclu et exclue toujours[2], ou dans une nouvelle, inconnue ?

La question est d’importance capitale pour l’Église :

Quand il s’agit de « guérison », d’intégration et de réintégration, de guérison par intégration, la communauté, dans le cheminement et le processus de guérison, reste-t-elle telle qu’elle était auparavant, immuable, détentrice de la présence du Christ, figure du corps du Christ dans lequel celui ou celle qui n’en faisait pas partie, parce que « possédé par un démon », est maintenant intégré ?

Evidemment que non : toute intégration, donc toute « guérison par intégration », transforme la communauté, et la guérit au même temps. Par conséquent, c’est la communauté qui n’intègre pas qui est (aussi, et peut-être surtout, voire entièrement) celle qui est « malade », donc, dans une logique de possession, « possédée » et « démoniaque »[3]. Ainsi, la piste que je poursuis, une vision globale de l’esprit dont il s’agit, « bon ou mauvais, pur ou impur », est confirmée : l’esprit lui-même est touché et impliqué[4], voire « malade ou en bonne santé ».

En conséquence l’enjeu est une résurrection de tous.

Tous nous sommes invités à mourir et descendre dans le tombeau[5],

« L’enfant devint comme mort, si bien que tous disaient : ‘Il est mort.’ » (v. 26).

Cependant, le tombeau est vide[6] , l’enfant est « comme mort ». Il est muet[7], comme Job, qui se tait finalement[8]. L’enfant est relevé, il est debout, mais rien ne dit qu’il parle à la sortie de notre histoire[9]. Qu’il soit « guéri » n’est pas dit non plus.

La seule chose que nous savons est que l’esprit est sorti. L’impur, celui qui est là, quand la foule s’attroupe :

« Jésus, voyant la foule (« ochlos ») s’attrouper, menaça l’esprit impur : ‘Esprit sourd et muet, je te l’ordonne, sors de lui (« ex autou » ; qui est-ce, « lui », en ce moment, l’enfant ou la foule ?).’ » (v. 25)

Et c’est « lui » qui est relevé et se met debout : l’enfant ou la foule (la communauté) ?

Armin Kressmann 2012


[1] Joachim Gnilka ; Das Evangelium nach Markus ; EKK II/2, Benziger, Zürich 1989, p. 49

[2] L’institution religieuse, Église(s) visible(s). S’ouvre donc aussi le débat sur institution et communauté, Église universelle, Église invisible et Églises institutionnalisées (catholique romaine, orthodoxes, protestantes, etc.).

[3] « derrière moi, Satan » (8,33 ; faisant partie de notre passage tel que je le conçois)

[4] Romains 8,26

[5] Comme tous nous sommes

« sortis du pays d’Egypte, de la maison de servitude. » (Deutéronome 6,12)

[6] cf. le matin de Pâques.

[7] Signifiant le secret messianique (cf. la transfiguration) ? Transfiguration est transformation est résurrection est miracle.

« Transformation is what means God’s Spirit » (Janine K. Ruffing)

[8] Job 40,4

[9] Qui se poursuit pas l’accueil d’un (autre) enfant, de nouveau suite à une discussion, toujours « à la maison » (v.28 et 33) :

« Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même ; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. » (Marc 9,37)

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.