Assistance au suicide : une alliance à trois

Une vie n’est jamais indigne ; ce qui peut être indigne, ce sont les conditions qu’on impose à une vie.

1. La place de la spiritualité : soyons conscients des enjeux ; il s’agit de souffrances

Mon angle : « aumônier » à l’Institution de Lavigny ; pasteur, théologien et éthicien

Hôpital et hébergement (handicap mental et handicap physique)

Handicap physique, psychique et mental … souffrances, au pluriel (au niveau physique, psychique, social et spirituel ; modèle bio-psycho-socio-spirituel)

2. « Détresse spirituelle » : devant l’angoisse de la mort et de la souffrance, soyons empathique

Quand surgissent des questions existentielle vitale, soyons d’abord présents.

Que m’arrive-t-il ? Pourquoi ? Pour quoi ? Culpabilité
Qui suis-je (si « je » il y a) Identité
A quoi bon ? Donc quel sens ? Y en a-t-il (encore) ? Sens
Quoi faire ? Valeurs
Et Dieu ? Amour ? Transcendance[1]

Prudence avec les réponses.

3. La sagesse des anciens : la prudence – la sagesse pratique (« prudentia » ou « phronesis » ; Aristote)

 « Le raisonnement … repose sur divers éléments d’appréciation, celle de la relation entre le paradigme[2] et l’analogie[3], entre la maxime et les circonstances, entre le plus et le moins dans les circonstances, en tant que ces éléments influencent la compréhension morale de la situation. »[4]

Soyons prudents : avec les mots, les concepts et leurs applications

  • La vie : quelle valeur suprême ? quelle hiérarchie des valeurs ?
  • La dignité : quelle finalité ? l’ultime ?
  • L’éthique, la morale et la loi : le public et le privé, liberté et responsabilité, individu et communauté, État et société, professionnels et humains, la raison et la foi, l’Évangile et la Loi
  • Établissement, EMS, institution et communauté, soins et vivre ensemble
  • L’autonomie, l’autodétermination, la liberté et le droit, moi et l’autre
  • L’assistance, l’accompagnement
  • La profession (métier et motivation, voire vocation)

4. Soyons protestants (réformés ; ce qui, à mon avis, rejoint la sagesse des anciens)

L’accompagnement (« l’assistance ») comme alliance :

Toi – Moi – un Tiers, la Parole et des paroles (bibliques) ; donc une relation interpersonnelle

« Au contraire de l’approche contractuelle d’inspiration légale, (William F.) May propose un modèle d’inspiration biblique, celui de l’alliance … Toutes (les) alliances … dérivent de l’alliance fondatrice de Dieu avec son peuple.

Quels sont les éléments caractéristiques de l’alliance biblique ? Il y a d’abord un don original qui est au cœur du lien qui va s’établir entre les parties, et ensuite une promesse fondée sur ce don. Les personnes engagées dans cette alliance s’engagent alors les unes à l’égard des autres : la fidélité est au cœur de la promesse qui les lie. …

William F. May propose le concept d’alliance pour définir la tâche médicale. …

Le thème de l’alliance thérapeutique exprime la solidarité du patient et du médecin dans la même aventure. » (H. Doucet ; p. 109s ; mise en évidence par AK)

Otfried Höffe parle de « tragédie partagée ».

Une approche situationnelle

Donc : rencontre et cheminement priment sur la dogmatique

Conclusion personnelle, concrète, face à la votation du 17 juin 2012 : deux fois « non »

  • Pour une régulation procédurale dans les lieux publics[5], notamment les hôpitaux (comme le CHUV), sans législation supplémentaire.
  • Dans l’hébergement (le privé, les EMS, aussi ceux qui sont subventionnés), au-delà d’une régulation procédurale, pour un accompagnement de la vie, personnalisé et ouvert, un partage de toute « tragédie », jusqu’à la fin.
  • L’issue est ouverte.
  • Dans la situation, que toutes les parties assument leur responsabilité.
  • Ce qui veut dire, en dernière instance si nécessaire, que l’aumônier (croyant et pasteur ou diacre) se pose la question de sa présence, donc de l’accompagnement  de ce qui, fondamentalement, il désapprouve, parce que la miséricorde prime sur la dogmatique et, en tant que croyant, il ne peut pas délaisser son vis-à-vis à la seule association qui organise un suicide assisté et revendique pour elle « la miséricorde et une mort digne »[6].
Armin Kressmann 2012


[1] Ces termes nous rappellent le STIV

[2]

« Un paradigme est une représentation du monde, une manière de voir les choses, un modèle cohérent de vision du monde qui repose sur une base définie (matrice disciplinaire, modèle théorique ou courant de pensée). » wikipédia, 18.5.12

[3]

« (L’analogie) désigne une similitude entre des choses ou des idées de nature différente. Une analogie n’est pas une ressemblance car la similitude est perçue comme non fortuite entre deux éléments. » wikipédia 18.5.12

[4] Hubert Doucet ; Au pays de la bioéthique ; Labor et Fides, Genève 1996, p. 148

[5] Le théologien parlerait de deuxième usage de la loi.

[6] Evidemment sous condition que le « patient » soit d’accord.

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