Noël

Le scénario est digne d’un film :

l’histoire d’une jeune femme qui attend un enfant dont personne ne connaît le père,

un jeune homme qui assume, par amour pour la femme,

du rejet par l’entourage, de l’exclusion,

la naissance, un bébé à qui est promis un grand avenir,

mais qui est persécuté pour la même raison, par le pouvoir en place qui aimerait placer les siens.

« … il n’avait pas de place pour eux, – pour lui, pour elle -, dans la salle des hôtes. »

« … Hérode fut troublé … »

L’histoire veut que ce qui importe est là, le sens, l’ultime, ce qui compte, l’essentiel,

– Dieu diraient certains, pour utiliser un autre terme -,

là dans la fragilité, dans l’exclusion, dans la détresse et dans ce qui s’y joue.

« Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple :

Il vous est né aujourd’hui un Sauveur qui est le Christ Seigneur ;

et voici le signe qui vous est donné :

vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »

Un enfant naît et il est différent.

Le père a de la peine à y reconnaître le sien, il est handicapé,

pour la mère, pas de doute, malgré tout, c’est son enfant.

L’entourage se détourne, on fait comprendre qu’il aurait mieux valu de ne pas naître,

on fait comprendre, même si on n’y est plus, au fond, sans vraiment le dire, on pense que sa mort serait le mieux pour tout le monde.

Pour la mère c’est inconcevable, le père hésite, jusqu’à ce qu’il ne peut plus hésiter et doit se décider.

Et combien de pères, en cette situation, se décident contre mère et enfant et les quittent, parce qu’ils n’en peuvent plus ?

Et combien de mères restent, même si elles n’en peuvent plus ?

L’essentiel est là, le sens, l’ultime, pour la mère, pour le père, évidemment,

mais autant si ce n’est pas davantage pour l’entourage, la famille, les amis, les proches d’un côté,

hommes et femmes simples peut-être, comme les bergers de notre histoire,

et les spécialistes de l’autre côté,

mages, scientifiques, médecins, chercheurs, éducateurs, etc.

« … ils virent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ;

ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. »

Ce qui s’y passe est un enjeu de société et il va de son salut.

Il s’agit de la bonne nouvelle, un « sauveur vous est né ».

C’est difficile à entendre en cette situation.

Evidemment, le salut n’est pas dans le handicap,

et le message, je pense, ne s’adresse pas aux parents, la famille, les proches,

mais au monde, à nous, ceux et celles qui entourent ou qui devraient entourer,

et si ce n’est pas entourer, c’est au moins vivre avec, vivre ensemble.

Le handicap, vous ne pouvez pas l’éliminer, nous sommes bien placés à Lavigny pour le savoir.

Mais quand vous aurez appris à vivre avec le handicap, le vôtre et celui des autres, un jour, il n’y aura plus de handicap.

Pour savoir cela, nous sommes aussi bien placés à Lavigny

et nous le vivons en corps et en âme quand il y a ces moments de grâce indescriptibles de compréhension de l’incompréhensible,

de complicité au-delà de toute barrière,

dans le petit ou dans le grand, au quotidien ou lors de fêtes,

en ces moments où détresse, misère et fragilité disparaissent et font place à la communion, entre humains.

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour les hommes, ses bien-aimés. »

Nous devrions en parler davantage, de ces moments de joie,

et pas seulement de toutes nos difficultés,

parler entre nous et avec les autres,

nous devrions davantage nous encourager mutuellement, nous soutenir,

reconnaître le travail des autres, leur engagement, leur présence,

et nous devrions ensemble voir comment nous pourrions faire pour que ces moments de bonheur soient plus fréquents encore.

Et, finalement, nous avons le devoir d’en témoigner, devant le monde, dehors, comme les bergers et les mages l’ont fait.

« Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant.

Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés … »

Et l’enfant grandit et il témoigne de son père, qui ne l’a jamais lâché,

il témoigne par son existence, sa présence, par ses actes et ses paroles,

il défit le monde, les puissants, le pouvoir,

afin que celui-ci se tourne vers l’essentiel,

et il payera le prix que paient tous ceux et celles qui incarnent la vérité.

Armin Kressmann

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