L’Église du fou, un miracle fou – Évangile selon Marc 5,1-20

ARCABAS, Le possédé de Gérasa, Saint Hugues de Chartreuse

Saint Hugues de Chartreuse

Dans le cadre de mes réflexions sur les miracles voici le résultat provisoire d’un travail exégétique sur la « Guérison d’un démoniaque dans la Décapole » (TOB, Traduction Œcuménique de la Bible), récit qui se trouve dans l’évangile selon Marc, au chapitre 5, versets 1 à 20 :

Dossier technique : éléments exégétiques de Marc 5,1-20

–          Jésus en pays étranger, païen, à la rencontre de la folie et de tout ce qui, – pour les « juifs », « le peuple », « l’Église de l’époque » -, est considéré comme menace et impureté :

  • Au-delà de la mer, donc du chaos (voir ce qui précède, l’apaisement de le tempête) et de l’abîme
  • L’étranger
  • Le paganisme
  • La maladie et la folie
  • La mort, le tombeau

Dans quelle mesure est-ce la réalité d’une société, Églises constituées incluses, qui met ses « fous » en institution, « hors peuple », hors société ?

–          La mer – l’abîme, le chaos primordial

Donc suit une nouvelle création : mort et résurrection

 

–          La barque, métaphore de l’Église

  • Jésus en sort, descend, pour affronter cette réalité qui est inouïe pour son peuple

Dans quelle mesure notre ministère d’aumônier de l’éducation spécialisée se fait en ou en dehors de l’Église, voire au-delà des Églises, dans une « Église autre » ?

–          L’homme et l’ambiguïté de « son » handicap : lui et non-lui, l’aliénation, exprimée à travers la possession par un « esprit impur » (dans le vocabulaire et la vision du monde de l’époque ; ce qu’on nommerait aujourd’hui « épilepsie ou psychopathologie » dans une terminologie médicale « moderne »).

La question du mal est ainsi posée, son origine, son lieu, moi, et non-moi qui m’entraîne vers la mort (du moi) ; mais attention, l’homme de notre récit ne fait pas de mal ! On lui fait du mal. Est-il innocent, donc figure christologique ?

 

Dans quelle mesure pouvons nous établir un parallélisme avec la CIF, la « classification internationale de la fonction, du handicap et de la santé », et la conception du « en situation de handicap » ? Le « problème », est-ce lui ou ce qu’on fait de lui, personnel et physique ou social, voire spirituel ?

 

Et si « l’esprit impur » était celui du regard porté de l’extérieur sur cet homme ?

 

L’homme, qui est-il ?

  • L’individu handicapé ?
  • Figure du pécheur dans son humanité, donc dans l’aliénation (Schmithals, Theissen) : la condition humaine de l’existence en soi (Tillich), l’homme en situation de handicap ?

–          Je relève aussi les supplications répétées de ceux qui « font légion », les esprits habitant l’homme, ainsi que des habitants de cette terre ou région

Serait-ce les supplications du monde et de l’humanité ?

 

Qu’en est-il avec la supplication adressée à Jésus de quitter la région ?

Ici, je relève l’enchaînement des v. 14 et 15 :

« … les gens vinrent voir (« ideô ») ce qui est arrivé … (ils ont une idée, donc un préjugé) … ils vinrent auprès de Jésus et voient (« theoreô ») le démoniaque »

 

La venue vers Jésus change le regard !

A-t-on encore besoin que la réalité en soi, l’objective, change ?

Quelle est la réalité ? Où se situe le miracle ?

 

Et après avoir vu l’homme guéri, l’entourage, « ils » supplient Jésus de partir.

C’est finalement la présence de Jésus, – qui a changé leur regard -, qui leur devient insupportable

Jésus prend l’exclusion sur lui, le péché, le mal … ! Nous avons ici une illustration de ce que nous confessons sans le comprendre souvent.

–          Le mouvement prend son départ de la foule (4,36) pour se concentrer aux disciples dans la barque (Église) et aller jusqu’à Jésus seul confronté à la solitude de l’homme : il y a combat isolé, quasi chamanique, entre Jésus et ce qui tourmente l’homme, les « esprits impurs », dérangés, « tourmentés » à leur tour par la présence de celui qui les chasse finalement.

« Jésus descend de la barque»                 « Les porcs du côté de la montagne

Le combat – un croisement : La croix

« La précipitation du haut »                     « Jésus monte dans la barque »

 

Jésus retrouve les siens et la foule (5,21), comme l’homme de son côté,  dans un mouvement d’ouverture qui va des bergers aux gens du village.

Une guérison loin de la foule et hors Église : la croix, un combat dans la solitude du face à face !

–          Sur invitation de Jésus l’homme proclame ce que le « Seigneur a fait pour lui » : le secret messianique est levé avant l’heure, c’est-à-dire Pâques,

… parce qu’il y a déjà Pâques, de fait, pour cet homme, mort (avec mise au tombeau) et résurrection.

L’homme devient disciple, – si ce n’est pas plus encore, présence christologique réelle, d’où l’absence de Jésus -, et ceux qu’il atteint par son message deviennent de fait Église.

 

Quelle serait cette « Église du fou », aujourd’hui ?

Et si c’était quelque part celle qui existe dans les institutions, villages quelque part « païens » par les règles propres aux institutions, souvent « hors églises » et avec une vie au-delà de ce qui se vit dans et entre les  églises ?

 

–          On dit que les esprits reconnaissent Jésus, ce qui se confirme dans notre texte, mais seulement au niveau de la fides quae (quoi ?) ; c’est l’homme qui confessera, suite à l’invitation de Jésus, « ce que le Seigneur a fait pour toi », donc Jésus – Dieu Seigneur, dans l’acte, fides qua (comment ?).

Nous nous trouvons donc devant une mission en terre païenne par un pagano-chrétien, avant Paul, suivant la chronologie marcienne, une réalité encore aujourd’hui d’actualité par le fait que ce qui se vit en institution ou leurs communautés chrétiennes est prophétique et en avance sur ce qui se vit dans nos églises institutionnelles, notamment au niveau d’un œcuménisme de base réunissant non seulement toutes les dénominations chrétiennes, mais aussi des résidents de religions différentes.

Armin Kressmann 2010

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