Il y a miracle et miracle, ce qu’on appelle en allemand « Wunder » et ce qu’on appelle « Mirakel », miracle le premier, prodige le second. D’abord celui-ci :
Le dictionnaire, Petit Robert, en dit :
« Prodige, événement extraordinaire, de caractère magique ou supranaturel »
Le Dictionnaire Larousse des Racines des Langues Européennes (1949) donne la racine ag-, « pousser devant soi », en latin prodigere, « jeter devant soi, prodiguer », et prodigium, « signe envoyé par les dieux ».
Donc prodige est ce qu’est en allemand « Mirakel », que Walter Schmithals définit comme suit :
« Mirakel nennt man jene Erzählungen, denen es nur um das Exotische, Seltsame, Abstruse, Wundersame oder gar Komische geht, das einem aber nicht betrifft und dessen ‘beweisende’ Funktion nur Schein ist. »
Wunder und Glaube ; Neukirchen 1970, p. 22
Le mot miracle comporte donc cette ambiguïté, prodige d’un côté, événement exotique, étrange, absurde, comique, au fond non-sens, et de l’autre côté miracle réalité raisonnable, tel qu’introduit dans mon article « Le miracle : ‘Wunder und Glaube' », événement porteur de sens :
« Im Wunder selbst soll Sinn gefunden werden.
Welcher Sinn ? Natürlich nicht der Un-Sinn eines Mirakels ! …
Vielmehr (en l’occurrence chez Marc, AK) ist es der Sinn des Zeichens, des kräftigen Hinweises auf den, der das Wunder tut ; der Sinn der Krafttat, der Begegnung mit der in Jesus sich manifestierenden Macht Gottes … : Jesus befreit den, der ihm vertraut, von der Knechtschaft des Bösen ; er bricht die Macht des Dämonischen, der Sünde, des Leidens und des Todes und führt aus der Angst vor Hölle, Tod und Teufel zu Gerechtigkeit, Friede und Freude im Heiligen Geist. »
W. Schmithals, p. 24s
Pour la bible, le Nouveau Testament et tout particulièrement l’évangile de Marc, miracle veut dire libération qui mène à la justice, à la paix et à la joie, dans l’Esprit Saint, c’est-à-dire dans un esprit commun, une vision commune, non pas construite ou à construire, mais donnée, venant d’ailleurs, transcendant tout effort humain, mais défendant tout être en lui donnant force vitale : Paraclet, avocat des faibles et des exclus.
Miracle est quand justice, paix et joie sont données, là où tout, notamment la raison, dirait leur contraire, injustice, guerre, violence, souffrance, peine et tristesse comme « normalité ». Tout cela, dans notre monde tel qu’il est « naturellement », n’est-ce pas pas la norme ? Sortir et faire sortir d’une telle réalité, naturelle, logique, normale, est un miracle :
« Miracle, fait extraordinaire où l’on croit reconnaître une intervention divine bienveillante, auquel on confère une signification spirituelle. »
Petit Robert
Une réalité, un événement, un fait « auquel on confère une signification spirituelle » : c’est donc le regard porté sur un fait qui fait de lui un miracle, et non pas l’objectivité du fait en lui-même.
Armin Kressmann 2010
