Régine Scelles (dir.) (2008), Handicap : l’éthique dans les pratiques cliniques. Postface d’Emmanuel Hirsch

Editions érès, Ramonville Saint-Agne, 293 pages

ISBN 978-2-7492-0955-5

Recension publiée dans Bioethica Forum,  Journal Suisse d’Éthique Biomédicale, vol. 2, no. 2, 2009

Ce livre réhabilite la violence, la colère et la culpabilité comme composantes anthropologiques fondamentales. Ainsi toute éthique est d’avance défiée. C’est un livre qui dérange et bouscule, comme dérangent et bousculent ceux et celles dont il parle : les personnes handicapées. Mais c’est aussi un livre qui assume la « normalité » dans l’univers du handicap : sexualité, consentement, responsabilité, diagnostic anténatal, interruption de grossesse, etc.

L’objectif déclaré de

« rendre compte de la nécessité d’une réflexion éthique » (p. 7)

est atteint : les contributions – issues d’un séminaire interuniversitaire et venants de praticiens et cliniciens – interpellent les éthiciens et l’éthique en tant que telle. Il ne s’agit pas d’un livre d’éthique du handicap, une sorte d’éthique appliquée, mais un livre à travers lequel les personnes en situation de handicap et leurs proches bousculent l’éthique, aussi bien l’éthique appliquée au domaine du handicap, que l’éthique fondamentale. Les principes éthiques sont mis à l’épreuve, par une interpellation plus que par une analyse proprement normative. Ces principes en sortent, les auteurs le montrent, ébranlés. C’est un livre qui fait vaciller toute éthique ou morale affirmée. Comme avec le handicap, et tout particulièrement le handicap mental, l’autisme et le polyhandicap, l’autonomie comme valeur aujourd’hui dominante est quelque part brisée, l’éthique elle-même est cassée, non pas par des idées ou idéologies nouvelles, mais par la réalité. Il y a « diffraction éthique » (G. Saulus), honte et culpabilité anthropoligiques, « Chute » (S. Korff-Sausse), « culpabilité éternelle » ou « colpa », (S. Pagani et E. Tesio). Et le revers de cette vision psychanalytique ? C’est une responsabilité partagée : « Je dirais, écrit Simone Korff-Sausse, que tout sujet humain, aussi démuni soit-il, porte une responsabilité éthique ontologique » (p. 84). Éthiciens que nous voulons être, nous réagissons : le factuel, le réel serait-il moral ou éthique ? Le débat est rouvert, encore une fois, et le champ du handicap avec ses situations extrêmes nous fera peut-être avancer dans nos réflexions.

« Ce livre se propose donc d’aborder la complexité de cette intrication entre éthique et clinique dans une perspective pluridisciplinaire, ouvrant sur la diversité des situations et des recherches engagées et à entreprendre. » (p. 9).

Une petite vingtaine d’auteurs questionnent l’éthique, en tant que sphère ou discipline, d’une manière plus théorique et fondamentale dans la première partie du livre, « L’éthique à l’épreuve du handicap – Approches théorico-cliniques », à travers des aspects plus spécifiques dans la deuxième partie, « Ethique et pratiques cliniques ». La logique des deux parties ne tient que partiellement, la première étant autant appliquée que la seconde fondamentale. Le lecteur non-initié se demande aussi pourquoi les noms de certains auteurs figurent sur la couverture et pas d’autres. À relever enfin que, probablement à cause de l’appartenance de la plupart des auteurs, l’approche du phénomène handicap reste en principe médicale, celle de la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF). Elle part de l’individu avec ses déficits et incapacités, donc plus patient qu’acteur, pour arriver au contexte, la « situation de handicap », là où le social ferait aujourd’hui le chemin inverse et travaillerait sur la « capabilité ».

Armin Kressmann, Lavigny 2009

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