Les besoins fondamentaux de l’individu : Fröhlich, Rosenberg, Maslow et Rawls

La Constitution vaudoise parle résolument de « besoins » des personnes handicapées. Plusieurs auteurs ont formalisés ceux-ci, dont A. Fröhlich (un des fondateurs de la « stimulation basale » d’où le plus proche des « besoins spécifiques des personnes handicapées », notamment des personnes polyhandicapées[1]), M. Rosenberg et A. Maslow.

Le modèle d’Andreas Fröhlich[2] insiste sur la globalité de la communication ; celle-ci est au centre d’une structure qui décrit le développement des différents domaines de l’être humain : la perception, l’affectivité, le mouvement, l’expérience sociale, l’expérience corporelle et la cognition. Il attribue à la communication six fonctions fondamentales : la reconnaissance de l’identité, l’expression de l’état intérieur, la production d’interactions, la revendication, la transmission de savoir et la régulation de relations. Il refuse, et c’est ce qui est important,  de hiérarchiser les domaines et leur attribue la même valeur, même si, en fonction d’une situation particulière, l’une ou l’autre soit au devant et puisse prendre la place centrale.

Le modèle de Marshall Rosenberg, fondateur d’une démarche de « communication non-violente »[3], lui aussi ne hiérarchise pas les besoins. Partant de l’observation à travers les sentiments que celle-ci provoque, il propose de s’interroger sur les besoins qui s’y cachent pour formuler enfin ses propres demandes, qui, elles, suscitent à leur tour chez l’interlocuteur une même suite de processus. Les deux cercles ainsi que ceux qui suivent forment une boucle en forme de huit ; les deux boucles s’appellent mutuellement dans une sorte de suite de centrement – décentrement – centrement, etc.

Le classique parmi les trois est la « pyramide des besoins » d’Abraham Maslow qui, elle, comme son nom l’indique, hiérarchise les besoins. Tout en bas, la pyramide repose sur les besoins physiques ; à travers les besoins relationnels on arrive, tout en haut, aux besoins d’ordre spirituel. Ce modèle a apparemment l’avantage de retracer le développement psychique de l’individu[4], mais comporte le risque de sacrifier en situation de manque ou de privation les besoins « supérieurs ». Des expériences extrêmes, notamment en camps de concentration[5], ont pourtant démontré que les besoins physiques, sans vouloir nier leur importance primordiale, ne sont pas dans toutes les circonstances les besoins les plus fondamentaux pour la survie. (La pyramide Maslow, selon Abraham Maslow)

A ces trois auteurs, on pourrait ajouter John Rawls qui, à travers sa théorie de « La justice comme équité », est amené à définir ce qu’il appelle les « biens primaires », qu’il ne hiérarchise pas lui non plus.

Armin Kressmann, mémoire en éthique, 2005


[1]

« Le polyhandicap est un handicap grave à expression multiple associant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde et entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation. »

F. Viennot et S. Evrard ; Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Polyhandicap sans oser le demander, p. 15

[2] A. Fröhlich ; Qualité de vie ; Lavigny 1995

[3] M. Rosenberg, Marshall ; Gewaltfreie Kommunikation ; Neue Wege in der Mediation und im Umgang mit Konflikten ; Paderborn 2003

[4] Un parallélisme peut être établi avec les étapes du modèle du développement du jugement moral de L. Kohlberg ; cf. Annexe Tableau 6

[5] cf. p.ex. V. E. Frankl ; … trotzdem Ja zum Leben sagen ; München 1972; E. Wiesel ; La Nuit

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