Spiritualité en milieu hospitalier : l’approche

En Suisse romande, l’accompagnement spirituel en milieu hospitalier se réfère d’abord aux ressources personnelles du patient[1]. Dans la rencontre interpersonnelle l’aumônier/ière, ce que tout intervenant est appelé à faire[2], invite le patient à solliciter ses propres traditions et à faire appel à sa propre culture spirituelle et religieuse ; il/elle essaie de s’effacer :

« Je me trouve donc logiquement en face de personnes qui témoignent … d’abord du fait qu’elles sont maintenant les uniques responsables de la recherche d’un sens à leur existence …, ensuite qu’elles ont une « nouvelle » manière de se situer face à la tradition … en y intégrant des éléments qui viennent d’autres traditions et enfin qu’elles ne voient plus vraiment le rôle d’un ecclésiastique dans tout cela en dehors d’une manifestation d’empathie … » [3]

Etienne Rochat

Cette matière de base est interprétée, reprise et retravaillée, par l’accompagnant et avec et par le patient :

« L’importance de la culture[4] dans ce cadre de références est qu’elle a fabriqué et fabrique encore les langages pour exprimer la douleur existentielle. En ce sens, les paroles, les émotions et les gestes mêmes deviennent symptômes à interpréter à partir de références spécifiques … » [5]

Etienne Rochat

Les références dont parle Etienne Rochat sont celles qui, pour lui et le milieu des hôpitaux vaudois, notamment les CTR (Centres de traitement et de réadaptation)[6], définissent le « spirituel » :

« … caractériser la dimension spirituelle à l’aide de quatre concepts clefs :

–                Sens : ce qui oriente, la nécessité pour toute personne d’avoir une raison de vivre dans son existence.

–                Valeurs : ce qui caractérise le bien et le vrai chez la personne, ensemble de choses et d’êtres qui ont du poids dans la vie d’une personne.

–                Transcendance : rapport à l’ultime, élément(s) qui dépasse(nt) la personne, et par rapport au(x)quel(s) la personne nomme sa dépendance existentielle;

–                Identité : cohérence singulière de la personne, résultat d’une combinatoire des trois autres éléments qui produit l’unicité du sujet qu’est la personne, tant au niveau de ses réflexions, de ses émotions, et de ses relations.

… L’évaluation spirituelle consiste donc dans l’analyse des divers besoins spirituels de la personne pour diagnostiquer lesquels ne sont pas ou plus ‘couverts’. » [7]

Armin Kressmann, Rapport « La spiritualité et les institutions », CEDIS 2008


[1] « Quelles images, représentations ou symboles cette personne utilise-t-elle pour décrire ce qui lui arrive ? Comment intégrer ces représentations à son expérience d’hospitalisation, quelles nouvelles images en émergent ? Quels symboles ou images captent le mieux l’expérience que la personne est en train de faire ? Quels symboles, sacrements, textes de sa tradition religieuse, familiale, l’aident ou pourraient la soutenir ? » Odier, Cosette ; Accompagnement spirituel ou « faire passer un chameau par le trou d’une aiguille … » ; Frontières, 2004, p. 73

« Les besoins spirituels se définissent comme le désir, voire la nécessité de trouver un sens à l’expérience de vie présente. Ils posent le problème plus global de la connaissance (comme fonction de la conscience) et du sens (signification). Ils sont donc des besoins généraux de l’individu qui se rapportent à son envie de connaître, en particulier de se connaître, de s’expliquer lui-même, et de trouver sens et si possible cohérence à sa propre personne, à son histoire, que ce soit dans une perspective religieuse ou non. » (Rapport du Groupe de Travail sur la prise en compte de la dimension spirituelle chez les personnes hospitalisées en CTR ; Groupe Label CTR, Orbe 2004, p. 4)

[2] « Certains membres de la communauté soignante, y compris nombre d’aumôniers, se demandent si cette manière de définir la dimension spirituelle «à distance» de la religion ne va pas provoquer la disparition des aumôniers en donnant le rôle d’accompagnant spirituel aux seuls soignants. » (Rochat, Etienne ; Souffrir de douleur existentielle – Vers une reconnaissance de la détresse spirituelle ? palliative-ch no. 2, 2005  p. 12

[3] Soutien spirituel dans les institutions de santé : la pastorale hospitalière entre crise du religieux dans la société et volonté d’autonomie spirituelle chez la personne malade ; Sources, 2003)

[4] «La culture peut être définie comme un ensemble de balises explicites et implicites dont héritent les individus en tant que membres d‘une société particulière et qui leur disent de quelle façon voir le monde, l‘expérimenter individuellement et s‘y comporter en relation avec les autres (Helmann 1990) » cité par Etienne Rochat

[5] Souffrir de douleur existentielle – Vers une reconnaissance de la détresse spirituelle ? palliative-ch no. 2, 2005, p. 10s

[6] Rapport du Groupe de Travail sur la prise en compte de la dimension spirituelle chez les personnes hospitalisées en CTR ; Groupe Label CTR, Orbe 2004

[7] Souffrir de douleur existentielle, p. 11

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