Spiritualité et religion dans les institutions sociales : mission et déontologie

Ascèse, mystique, vie cultuelle, rites, art religieux, pensée religieuse, méditation, prière et finalement diaconie et engagement social (et écologique) forment un ensemble.

Pour la pensée religieuse, cet ensemble constitue le tissu fondamental de la vie, autant individuelle que collective, et cela aussi pour la vie publique. Qu’on le veuille ou non, spiritualité et religion s’imbriquent ; leur séparation reste difficile, voire impossible. En témoignent les termes qui rapprochent la vie privée et le travail : « profession » peut dire et métier et confession de foi ; en allemand, « Beruf », métier ou profession, est de la même racine que « Berufung », vocation (appel, « Ruf »).

Dans les déontologies professionnelles les deux, métier et vocation, sont toujours présents, et dans le socio-éducatif et le socio-médical, malgré la « professionnalisation » de ces dernières décennies, personne ne voudrait réduire la profession à sa seule dimension technique et faire du vis-à-vis humain un pur « objet », ni faire du paysage institutionnel un pur « marché ».

Enfin, en médecine, aussi la bioéthique, approche totalement laïque, plonge ses racines dans l’éthique religieuse.

Aucune institution sociale qui cherche à être en adéquation avec sa tâche et son public cible ne peut échapper à ce questionnement : jusqu’où, chez nous, la spiritualité, – indispensable, nous l’avons vu -, est religieuse ? Et qui s’en charge ?

Si une institution sociale particulière se charge elle-même du religieux, – toujours présent, implicitement ou explicitement -, elle est en quelque sorte elle-même communauté religieuse. Pour être fidèle à la Constitution, elle devrait se soumettre à la régulation, en matière religieuse, de la part d’une Eglise ou d’une autre communauté religieuse reconnue par l’Etat, donc collaborer avec celles-ci.

Si une institution sociale particulière veut s’abstenir de s’occuper aussi de la vie religieuse de ses résidents, elle devrait quand même déléguer la régulation, toujours dans l’esprit de la Constitution, à une Eglise ou une communauté religieuse reconnue. Si je dis régulation, je pense à :

–         Qui régule ce qui  et qui, au niveau spirituel, entre ou n’entre pas dans une institution ?

–         Quelles sont les pratiques spirituelles et religieuses reconnues ou, au contraire, ne pas tolérées ? Et pourquoi ?

–         Qui s’en occupe ? Quelles sont les qualifications nécessaires ? Quelles sont ses compétences ?

Au fond, c’est une fonction de « gardien du seuil », rôle du prêtre[1] dans la tradition. Donc, encore une fois, une collaboration entre institutions et Eglises et communautés religieuses reconnues s’imposerait.

Selon les choix institutionnels, le gardien :

–         Assume ou participe à ce qui se vit à l’intérieur de l’institution ou/et

–         Collabore avec l’extérieur pour faire vivre une ou des spiritualités à l’intérieur et/ou

–         Est celui qui régule ce qui entre ou/et

–         Fait de sorte que les besoins des résidents puissent être satisfaits à l’extérieur

Armin Kressmann, Rapport « La spiritualité et les institutions », CEDIS 2008


[1] Celui qui tranche entre « le pur et l’impur », qui, en conséquence, décide si quelqu’un fait partie de la communauté ou en est exclu, selon des règles plus ou moins objectives qui décrivent « l’impureté » ; aujourd’hui, c’est principalement le rôle du médecin, mais cela ne fonctionne pas pour la spiritualité en soi (sauf là où celle-ci touche à la « folie », avec toutes ses ambiguïtés). Alors donner un sens moderne et acceptable à ce rôle de « prêtre », pour tout le monde impliqué dans le monde institutionnel, est un défi à relever, d’autant plus que les évidences d’autrefois ne sont plus si évidentes et que la pluralité des cultures et religions et leur cohabitation dans la société moderne rend la tâche encore plus complexe.

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