La spiritualité et la loi

La Constitution fédérale stipule :

Article 15          Liberté de conscience et de croyance

1 La liberté de conscience et de croyance est garantie.

2 Toute personne a le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté.

3 Toute personne a le droit d’adhérer à une communauté religieuse ou d’y appartenir et de suivre un enseignement religieux.

4 Nul ne peut être contraint d’adhérer à une communauté religieuse ou d’y appartenir, d’accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux.

La Constitution vaudoise, dans l’article 169, dit :

1. L’Etat tient compte de la dimension spirituelle de la personne humaine.

2. Il prend en considération la contribution des Eglises et communautés religieuses au lien social et à la transmission de valeurs fondamentales.

D’autres articles peuvent entrer en ligne de compte quand on parle des besoins des personnes :

Article 6

a) L’Etat a pour buts :
a) le bien commun et la cohésion cantonale;
b) l’intégration harmonieuse de chacun au corps social;

b) Dans ses activités, il :
a) protège la dignité, les droits et les libertés des personnes;

Article 9   Dignité humaine

  1. 1. La dignité humaine est respectée et protégée.
  2. 1. Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.
  3. 2. Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son état civil, de son mode de vie, de son patrimoine génétique, de son aspect physique, de son handicap, de ses convictions ou de ses opinions.
  4. 1. L’Etat et les communes tiennent compte des besoins et des intérêts particuliers des enfants et des jeunes en favorisant leurs activités culturelles, sportives et récréatives.

Article 10         Egalité

Article 62          Jeunesse

Ainsi l’Etat reconnaît et veut protéger la personne humaine dans sa globalité ; c’est son devoir. Il définit un cadre légal, – institutionnel -, un espace dans lequel la personne dans sa « propre personnalité » peut se développer et s’épanouir. Comment le spirituel, faisant partie de ce qui fait d’un individu une personne, s’articule avec ce cadre ? Est-ce qu’il peut y entrer ? Jusqu’où le spirituel peut-il être « cadré » ? Quelque part nous pourrions nous retrouver devant une contradiction, une antinomie : ce qui par définition échappe à une dé-finition, c’est-à-dire une institutionnalisation, doit être cadré, défini et saisi institutionnellement. Comme nous le verrons plus tard, nous ne pouvons pas échapper à ce paradoxe. Il est à l’origine et à la base de ce mandat et de toutes les difficultés qui vont avec lui et qu’il révèle : le débat sur la laïcité, le rôle de l’Etat en matière de spiritualité, les relations entre Etat et Eglises, la difficulté des institutions sociales de dé-finir leurs fondements au-delà des droits fondamentaux des personnes, et de fonder ceux-ci au-delà de la raison[1], la pratique de la spiritualité à l’intérieur d’une institution, les ambivalences entre approches communautaires (communautariennes ou paternalistes[2]) et institutionnelles (libérales) dans la prise en charge[3], etc.

Le spirituel est donc en tension avec l’institutionnel. Et l’enjeu est, en institution sociale, mais pas seulement, comment et jusqu’où le spirituel peut être institutionnalisé. Le débat est ancien, on l’appelait « Loi et Evangile », « loi et foi » ou « loi et esprit de la loi ». Il est au cœur de la question du religieux, et en l’occurrence du religieux en institution sociale.

Armin Kressmann, Rapport « La spiritualité et les institutions », CEDIS 2008


[1] La raison étant souvent bien secouée dans la confrontation avec le handicap mental et ce qu’on appelle la « folie » avec ses raisons à elles, l’engagement dans cet univers dépasse la raison et prend parfois la forme d’un pari plus spirituel que « raisonnable ». D’ailleurs : quelle est la logique du spirituel ? Je dis volontiers la foi, sans y attribuer tout de suite un « dieu », et l’empathie, l’amour diraient d’autres.

[2] Quand j’utilise des termes comme « communautariste, communautarien, paternaliste ou libéral », je le fais dans un sens philosophique et éthique, sans polémique et sans jugement de valeur, les rattachant plutôt à des traditions et des concepts philosophiques spécifiques. Pour plus de détails cf. Armin Kressmann ; Qui suis-je ? Fonder l’action ! L’autonomie et les fondements de la (bio)éthique ; Mémoire de DEA, Lausanne 2005 ; accessible sous : Autonomie et bienfaisance – Ethique et Handicap

[3] Ce terme de « prise en charge » est en soi déjà révélateur : chargé de paternalisme, – dans le sens philosophique et éthique du terme, donc sans jugement de valeur – , il est utilisé même là où on mise sur l’autonomisation des résidents. Le terme « accompagnement » par contre, – beau en soi, mais axé sur une autonomie que le résident n’a pas forcément, donc en bonne partie utopique (n’oublions pas que handicap mental est handicap d’autonomie par excellence) -, ne suffit pas pour dire la « charge » qu’impliquerait l’accompagnement dans un vrai partenariat, un accompagnement par un sujet autonome d’un sujet rendu autonome. Aujourd’hui tout le monde parle d’autonomie, mais pratique toujours et encore le paternalisme. Ce fait, qu’on peut déplorer ou non, est d’ordre spirituel. Voilà une de mes hypothèses.

Armin Kressmann 2008

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.