EERV – L’aumônerie en EMS

Bilan après deux mois de remplacement dans trois maisons dans la région de la Riviera

Mandat tel qu’il est présenté sur le site de l’Église :

  • Célébrer

Les aumôniers proposent des célébrations, des réflexions, des animations propres à répondre aux besoins et aux questions spirituelles, existentielles ou éthiques des résidents. Ils offrent  la possibilité de recevoir les rites et les sacrements propres à leur tradition

  • Visiter

Les aumôniers offrent à chaque résident une présence, des visites et un soutien spirituel de qualité, dans le respect de sa personne, de ses convictions et de ses valeurs.

  • Réfléchir

Les aumôniers offrent aux différents responsables et intervenants et secteurs des Etablissements dans une visée interdisciplinaire, leurs compétences spécifiques. Ils sont à disposition pour une réflexion éthique liée aux problématiques du grand âge et de fin de la vie.

Voici en bref quelques remarques et conclusions que je tire à la fin de mon engagement comme aumônier remplaçant :

  1. Des contacts et moments intenses, riches rencontres avec des résidents et des professionnels, notamment les animateurs et animatrices socio-culturels, tellement riches et émotionnellement intenses qu’on ne peut pas les multiplier à l’infini. J’en suis reconnaissant et remercie à toute personne rencontrée.

  2. Des attentes institutionnelles et des formalismes pas seulement irréalistes au niveau quantitatif, – mon implication était plus proche des 40 % que des 25 % officiels -, mais en contradiction avec ce qu’est à mon avis l’accompagnement spirituel au niveau qualitatif ; vouloir quantifier celui-ci est une aberration, philosophique (ou éthique) et théologique. La spiritualité commence quand tout a été défini.

  3. Le mandat tel que défini et compris par les institutions (« prestation de base »), ecclésiales et directions des maisons, pourrait éventuellement être rempli s’il n’y avait pas d’imprévus, des situations extrêmes, des fins de vie, des décès. Cependant, l’imprévu est l’essence même de la spiritualité.

  4. Les maisons et leurs employés, je le constate depuis longtemps, n’ont toujours pas compris que l’accompagnement spirituel n’appartient pas à l’aumônier, comme l’alimentation n’appartient pas au médecin. Et l’un et l’autre sont de la responsabilité de l’ensemble des intervenants. L’aumônier, comme le médecin, n’est que le spécialiste disposant d’outils supplémentaires, notamment théologiques, ceux-ci justement opérationnels en situation extrême.

  5. Se défaire de cette responsabilité partagée fait que les maisons et leurs directions demandent aux aumôniers l’impossible, nourrir spirituellement le quotidien, être à disposition là où les autres intervenants, notamment les soins, sont démunis et dépassés, et encore « fonctionner » quand mort et autres drames bousculent tout … « célébrer, visiter, réfléchir ».

  6. Du fait que la logique médicale (ou celle des caisses de maladie), bonne en soi là où il s’agit du médical (« evidence based »), s’impose à tous les autres domaines, aussi au spirituel (d’où la quantification par « actes »), les EMS tombent dans leur ensemble en une logique plus hospitalière que « résidentielle » : les résidents ne sont pas chez eux, « à domicile », mais accueillis dans un « établissement » qui définit les règles du vivre ensemble ; les résidents ne sont finalement que de passage. Je constate la même dérive du côté aumônerie : c’est la logique hospitalière (CHUV, CPT) qui l’emporte sur la logique « paroissiale », donc communautaire.

  7. Enfin, ne parlons pas d’éthique ! Avec quelles formations et comment affronter des situations où les enjeux humains, éthiques, dépassent l’imagination et mettent tout le monde, le médical inclus, dans l’impuissance.

En résumé et une phrase : les aumôniers sont sous-dotés et constamment mis en des situations de double-liens : faire un travail dont on sait qu’il ne peut pas se faire tel qu’institutionnellement défini.

Armin Kressmann 2018

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