Une lecture existentielle de la bible, infinie et dynamique

Une lecture existentielle de la bible, infinie et dynamique, dans la tradition de l’exégèse juive … je m’y retrouve, quelque soit la méthode appliquée, historico-critique, psychanalytique, kabbalistique, structurale, narrative, etc. Je n’ai pas l’ambition de « bien comprendre »1 le texte, ambition d’une lecture historico-critique :

« (le) postulat heuristique de la critique historique, suivant lequel le texte biblique ne peut être correctement compris qu’à la condition d’être replacé dans le contexte socio-culturel de sa naissance. »2

Ce qui compte pour moi, ce sont les ouvertures qu’offrent les différentes lectures du texte vers un sens, du sens, une parole, la Parole, un esprit, l’Esprit, qui, lui, elle, ouvre la vie à la vie, en une terminologie chrétienne fait rencontrer et interagir croix et résurrection, celles du Christ, avec croix et résurrection, les miennes, les nôtres, celles des autres, ou, autrement, pointe ce royaume de Dieu ou des cieux en la réalité qui et la nôtre ; les cieux, sur terre, ici et maintenant, face à l’enfer, aux enfers, les esclavages et les possessions auxquels nous sommes confrontés tous les jours, en un mot, la liberté chrétienne dans la condition humaine, telle qu’elle est pour moi aujourd’hui3.

« L’approche existentielle se fonde sur l’idée que chaque époque doit interpréter pour elle-même le texte transmis. Le sens d’un texte ne dépend pas de ces facteurs occasionnels que sont l’auteur et son premier public, le contexte social, culturel, économique … Du moins ne s’y épuise-t-il pas. Le sens d’un texte dépasse toujours son auteur : la compréhension du lecteur est toujours une attitude créatrice.

Il ne s’agit pas de mieux comprendre, mais de comprendre autrement. Le lecteur-traducteur-interprète, qui est existentiellement confronté aux textes, ne cherche pas, dans un premier temps, à remonter vers une vie passée, vers un sens passé. ‘Comprendre’ signifie pour pour lui la participation actuelle à ce qui est dit. En réalité, ce n’est pas le texte qui est compris, mais le lecteur qui se comprend. Et il peut et doit encore être compris autrement par d’autres, en d’autres temps et d’autres lieux.

Il ne s’agit pas de répéter et de paraphraser le texte de départ, mais, littéralement, de décoller, d’aller ‘au-delà du verset’, de passer du texte à son propre texte. Par cette lecture créatrice, le lecteur naît véritablement à lui-même et à autrui. » (Marc-Alain Ouaknin ; Les Dix Commandements ; Seuil, Paris 1999, p. 18)

Au fond, je ne cherche pas ce qu’Abraham, Isaac, Jacob, Pierre, Jacques et Jean ont dit ou fait il y a quelques milliers d’années, même pas Jésus de Nazareth, mais ce qu’ils diraient et feraient aujourd’hui, pour ce dernier ce qu’il dit et fait ici et maintenant, pour moi, pour nous, en une situation donnée. Cependant, je n’ai pas d’autres moyens de le trouver que par un passage par ce qu’ils ont dit et fait dans leur époque, donc par le témoignage biblique.

Pour moi, le christianisme, avec le judaïsme (et Marc-Alain Ouaknin), n’est pas une religion du livre, – si on peut parler de religion, mais c’est un autre sujet -, mais une religion de l’interprétation du livre (et de la vie, ma vie, dont parle le livre) :

« … le peuple juif est le peuple non du Livre mais de l’interprétation du Livre. … Le commentaire (Talmud) et le commentaire sans fin du commentaire renouvelle les lettres et transmettent ainsi le souffle du Dieu vivant ! Dans l’interprétation, on ‘lit aux éclats’ : il n’existe pas de sens unique, pas d’interprétation ‘vraie’ du texte écrit. Lire, c’est dénouer, délier, ouvrir à des sens nouveaux et multiples, appréhender les dynamiques inédites que le texte contient. » (M.-A. Ouaknin p. 32)

Le texte est tissue dont le sens, les sens, selon le souffle qui traverse le tissue, se dégagent entre les fils, la trame, les lettres, les phrases, les lignes, les paragraphes et les chapitres. Et c’est ce sens qui fait sens dans ma vie, ce souffle qui souffle qui me fait vivre, là, surtout là, où je risque d’étouffer dans et devant le non-sens et les « mauvais esprits » qui soufflent trop souvent, aussi en Église, et surtout en Église4.

Dans ma prière je ne demande pas que l’Esprit m’ouvre au texte, mais que le texte s’ouvre à moi, et avec lui la vie, au culte avec une prière dite d’illumination issue du vivre et célébrer ensemble dans une paroisse lausannoise :

Tu es là, parmi nous, Seigneur,

c’est ce que nous croyons,

c’est ce que nous confessons,

c’est ce que nous fêtons aujourd’hui,

ta présence et ta grâce,

ton amitié et ton amour.

Que ta Parole s’ouvre maintenant à nous.

Donne-nous ton Esprit,

afin que cette Parole nous ouvre à ton amour

et qu’elle nous invite à te suivre.

Que ta Parole soit pour nous le signe d’un partage,

d’un espoir nouveau.

Que ta Parole ranime en nous le courage de la foi.

Que ta Parole nous ouvre au courage de lutter sans cesse

pour que rayonne, par nous,

la lumière de ton Royaume.

Amen

Armin Kressmann 2018

1 Je ne veux pas le comprendre, « le prendre avec », mais plutôt m’y déplacer, « me ‘verstehen’ » (même pas lui), puis prendre avec moi « du sens pour moi », « Dieu pour moi » … une nouvelle orientation pour sortir ou me sortir ou me laisser sortir des ornières de ma vie qui me mènent dans des impasses.

2 Daniel Marguerat ; Le miracle au feu de la critique historique et au regard de l’analyse narrative ; Recherches de Science Religieuse 2010/4 (Tome 98), p. 525

3 Les visées de ma lecture sont en conséquence davantage tournées vers l’avenir, vers ce qui nous advient en ce qui est déjà advenu, donc plus téléologique que déontologiques, on pourrait aussi dire plus utilitaristes au niveau de la compréhension (pour ces termes voire « Éthique et bioéthique » sur ethikos.ch). Ma lecture de la bible se veut « eschato-critique »,

4 Là où nous sommes aujourd’hui en ce début de l’année 2018, je lance cet appel que j’adresse tout particulièrement, mais pas seulement, à ceux et celles qui se revendiquent « évangéliques » : « Pourquoi stigmatisez-vous les homosexuels, mais ne ressuscitez pas les morts ? »

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