Matthieu 2,1-12 (Mt 2,1-12) Épiphanie : l’enfant au centre – où est l’enfant roi ? (commentaire, exégèse, piste homilétique)

L’Évangile de l’enfance de Jésus selon Matthieu (Mt 1,1-2.3) – Comment, enfin, devenir enfant ?

Quand l’enfant prend le pouvoir, cet enfant que nous avons l’habitude d’appeler « enfant roi », égocentrique et tout-puissant, il se comporte comme l’adulte d’aujourd’hui ; il n’est plus enfant ; c’est un enfant perdu, en tout cas une enfance perdue. Ce n’est pas l’enfant de Noël. Cet enfant-là, tout en étant au centre, – au centre du texte et du récit, de l’évangile de l’enfance de Matthieu -, est discret, presque absent, comme étaient absents les enfants des intérêts de la société de l’époque biblique, comme ils sont encore et toujours absents des « vrais » soucis politiques et sociaux aujourd’hui : tout le monde veut être adulte, et la réalisation de soi passe par le fait de s’imposer aux autres et par une prise de pouvoir, sur soi et sur les autres. Soyez adultes ! « L’enfant roi » problématique n’est pas problématique parce qu’il est enfant, il l’est parce il est adulte. Et notre société est problématique parce que « l’enfant roi », infantilement adulte, veut s’imposer, parce que son comportement est devenu le standard pour réussir et faire carrière.

Paradoxalement, nous dit l’Évangile, ici l’évangile de Matthieu, pour être adulte, devenez comme l’enfant, l’enfant de Noël. Que fait-il ? Il rassemble tout le monde, il fait de sorte que tout le monde se retrouve en lui et que tout le monde est « enchanté », « joyeusement très joyeux » :

v. 9 « … et voici l’astre … vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant »

v. 10 « à la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie » (TOB)

v. 11 « Entrant dans la maison, ils virent l’enfant … »

Entrant dans le « beith », la maison (Bethléem – « la maison du pain »), la création, le commencement (Genèses 1,1 ; la lettre « beith »étant la première lettre, représentant l’ensemble de la création) … que voyons-nous ?

L’enfant … la joie … l’enfant, une « joie plus que joyeuse, joyeusement joyeuse », littéralement une « joie massivement très joyeuse » ; cependant, chose étonnante, la joie précède l’entrée, c’est une joie anticipative, « à la vue de l’astre ».

Dans sa passivité (épiphanie négative), l’enfant de Noël fait de sorte que le monde se pacifie, que se retrouvent autour et en lui le monde des croyants et le monde des païens, celui des mages, le monde des faits, la science, « l’astrologie », et le monde des rêves, Joseph et Marie.

Tout le monde ? … sauf cet autre « enfant », celui qui se prend pour roi, « l’enfant roi » infantile, Hérode (« né d’un héros, noble, divinisé »), qui prend le pouvoir (abus de pouvoir – péché) et veut s’imposer à tout et à tous, par l’action la plus active qui soit, la violence et le meurtre (Matthieu 2,16-18 ; « innombrables meurtres, dont celui d’une de ses six femmes, et de trois de ses sept fils »), quand « son pouvoir est menacé, fût-ce par la naissance d’un enfant prédestiné » (André Chouraqui).

L’enfant prédestiné ?

Qui est-il ?

L’enfant de Noël, dans sa passivité, nous incite à le découvrir, à travers lui, en nous-mêmes.

« Laissez faire ces enfants, ne les empêchez pas de venir à moi, car le Royaume des cieux est à ceux qui sont comme eux. » (Matthieu 19,14 ; Marc 10,13-16)

L’enfant en nous-même, celui qui nous fait entrer dans le Royaume des cieux, prédestiné au salut, qui est-il ?

Voici l’enjeu de la prédication du dimanche de l’Épiphanie.

« Épiphanie », l’apparition du divin, l’apparition de l’enfant de Noël, en et parmi nous, « Emmanuel » (Matthieu 2,23)

Armin Kressmann 2017

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