Vulnérabilité et capabilité : handicap, quand on pense « déficit » – et la CIF (Classification Internationale du Fonctionnement, de la Santé et du Handicap) ?

Qu’est-ce qui se passe lors d’une première confrontation entre une personne dite « handicapée » et une personne dite « bien portante » ? D’habitude, cette dernière va d’abord voir ou percevoir le handicap et juger la personne en face à partir de ce qu’elle voit. La relation se définira à partir du « handicap de la personne handicapée », de sa différence, ses troubles, ses déficits ou ses incapacités. On verra sa plus grande vulnérabilité et ses capacités plus petites, et non pas la personne dans son ensemble, dans une situation de vie donnée. C’est ainsi qu’on a longtemps défini le handicap, par un modèle principalement médical, et c’est ainsi que la plupart de nos contemporains vont toujours le faire :

Ainsi, jusque dans les années huitante, l’outil de travail de l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, était la CIM, la Classification Internationale des Maladies, dont la logique était la suivante :

Maladie ou trouble   →   Traitement  → Guérison

Mais quoi faire des maladies chroniques ou du handicap ? Qu’en est-il avec les facteurs environnementaux et sociaux qui, eux aussi et souvent d’une manière prépondérante, contribuent au handicap d’une personne ?

A été proposée par Philip Wood et son équipe un élargissement de la définition purement biomédicale :

Maladie ou trouble  →  Déficience  →   Incapacité  → Désavantage

Et c’est ainsi, en 2001, que l’OMS est arrivé à une définition du handicap, – par la CIF, la Classification Internationale du Fonctionnement, de la Santé et du Handicap -, qui tente de tenir compte autant des facteurs personnels que des facteurs environnementaux : le handicap comme une résultante d’interactions entre la personne, ses capacités et incapacités, et la situation dans laquelle elle se trouve.

Pourtant, la logique de la CIF, avec ses listes de facteurs composant le handicap, reste dans son approche logique biomédicale : de la personne avec sa maladie et ses troubles à la situation avec ses facteurs contribuant au handicap.

Ajoutons qu’elle (la CIF) ne couvre pas « les circonstances de la vie qui ne se rapportent pas directement à la santé, telles que celles qui peuvent résulter de facteurs socio-économiques » (liées à la race, au sexe, à la religion, ou à tout autre caractéristique socio-économique).

La CIF tente également de concilier le modèle « médical » avec le modèle « social » du handicap. Dans le modèle médical, le handicap est perçu comme un problème de la personne, et le « traitement » vise la guérison ou la réadaptation de la personne à l’environnement. Dans le modèle social, le handicap est considéré comme étant principalement un problème créé par la société, et non seulement un attribut de la personne. Le handicap est dans cette optique perçu comme « un ensemble complexe de situations ». La CIF tente donc de concilier ces deux modèles en optant pour une approche « biopsychosociale ». Si en effet l’approche en termes d’analyse de la situation de handicap est bien présente dans la CIF, la dimension médicale au travers de la notion de santé reste omniprésente, ce qui n’est pas surprenant au vu de l’origine institutionnelle de cette classification (OMS) et de son ancrage dans le monde sanitaire. On notera cette « culture sanitaire » en filigrane dans la CIF est susceptible de dérouter les travailleurs sociaux et de constituer un obstacle à son utilisation.

Patrick Guyot, Intérêt et limites de la CIF pour l’accompagnement éducatif et social des personnes handicapées

Armin Kressmann 2009

« Vulnérabilité et capabilité 6 : quand il y a différence – le handicap


Vulnérabilité et capabilité 8 : « guérir, pallier, éduquer » »

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