Pour Dieu, toute maman est vierge

Comment se fait-il qu’après 2000 ans de christianisme et 500 ans de protestantisme on n’ait pas encore compris la radicalité de l’Évangile ? qu’il s’agisse de salut et non pas de morale ?

Pour Dieu, toute maman est vierge et tout enfant porte le nom de Jésus, salut parmi nous ; l’enfant est l’enjeu, il doit avoir, il a un « casier moral vierge ».

Sinon, le départ dans la vie d’un nouveau-né est hypothéqué par l’histoire de ses parents, – en l’occurrence sa mère, seule certitude en ce qui concerne la « paternité » -, et il y a inégalité, devant Dieu même, au début de la vie déjà, ce qui, dans notre réalité, est malheureusement toujours et encore le cas, malgré la prétendue « culture chrétienne » de notre pays et de notre société. « Au commencement il y a la Parole (le Verbe) » (évangile selon Jean, chapitre 1, verset 1) et, pour moi, cette Parole est une parole de salut, donc de pardon, de grâce, d’accueil, de liberté et de bonheur ; le salut est inscrit dans la création. Au commencement, l’enfant est déclaré innocent, malgré et contre toutes les fautes commises par ses parents : « Tu es ce que tu es et, pour Dieu, c’est bien ainsi. » Si vous n’y croyez pas et si vous ne faites pas tout ce qui est votre possible pour le réaliser, pour cet enfant qui vient de naître, pour tout enfant qui naît dans votre entourage, ne prétendez pas être chrétiens et d’appartenir à une Église chrétienne. Le salut est inscrit, volontairement, par l’Esprit, dans l’histoire de l’enfant, de tout enfant.

« Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux. » (Marc 10,13 ; Matthieu 19,14)

Ainsi j’ai réagi dans une courrier de lecteur à l’article de Jacques-André Haury du 23 décembre 2016 dans 24heures, « Pour une nouvelle statue de Marie à la cathédrale », polémique contre polémique.

Ma réponse, « Pour une Marie protestant », – que je fonde sur quelques éléments exégétiques de Matthieu 1,18-24 « Marie une femme comme toutes les autres » et « Tout enfant un enfant de Dieu » -, a questionné plusieurs lecteurs et lectrices, et j’ai eu des échanges épistolaires intéressants et édifiants, notamment avec des femmes catholiques, dont des Maries femmes vivant parmi nous.

Un groupe de paroissiens de notre Église (EERV Église évangélique réformée du canton de Vaud) a interpellé le conseil synodal en l’invitant indirectement à me rappeler à l’ordre. Celui-ci, refusant de jouer un rôle de magistère, n’est pas entré en matière ; il m’a cependant prié de m’expliquer face à ces personnes et de lui transmettre ma réponse ; ce que j’ai évidemment fait.

Aujourd’hui même, Gilbert Salem, dans sa rubrique « Si j’étais un rossignol » (24heures du 21.3.17), réagit à sa manière aux propos de J.-A Haury : « Comment réhabiliter la Vierge à Lausanne ».

Le débat se prolonge donc, raison pour moi de refaire part de ma vision, de l’argumentaire que j’ai envoyé au groupe de paroissiens de notre Église et au conseil synodal :

« Pour moi le débat est ouvert, tout dépend du niveau auquel nous menons celui-ci :

  • Si dans l’interpellation de M. Haury nous entendons une dimension ironico-polémique, prenez ma réponse au même niveau ; il n’y aurait pas d’intérêt à aller plus loin.
  • Si le front est carrément polémique, – il parle quand même d’une « furie destructrice » comparable à ce que fait « Daech à Mossul, Palmyre et ailleurs » -, mon texte veut couper court à tout prolongement de la discussion.
  • Si nous nous situons au niveau de la foi, – « une statue qui affirmerait que la personne de Marie, la femme qui dit oui au projet de Dieu, compte pour tous les chrétiens, protestants y compris » -, je ne peux que souscrire, tout en disant ce que j’ai dit, pour faire honneur à toute femme, tout être humain, qui se donne la peine de dire « oui au projet de Dieu », avec ses forces, ses faiblesses et ses limites, comme Marie et Joseph bibliques l’ont fait, tel que je le lis dans l’évangile qui est lu dans nos Églises pendant cette année liturgique, celui de Matthieu, celui que nous avons lu au temps de l’Avent et de Noël quand l’échange des lettres qui suscitent le débat avait lieu : Joseph semble avoir de « bonnes raisons » de se séparer de Marie, et ce n’est que par l’intervention de Dieu lui-même, médiatisée par l’ange, qu’il assume ce qui est arrivé à Marie. Il y a donc eu problème, Marie l’a trompé, et si cela avait été avec Dieu lui-même, son Esprit, ça n’aurait pas été mieux, au contraire. Jésus est issu d’une famille recomposée, et, pour moi, c’est toute la force de l’Évangile : tout enfant, quel que soit la situation familiale dans laquelle il naît, est un enfant de Dieu, voulu, couvert et aimé par celui-ci. C’est vrai pour chacun et chacune de nous.
  • Et c’est cette lecture, la mienne que j’assume entièrement, qui m’amène au dernier point, le plus redoutable : finissons une fois pour toutes avec une lecture moralisante de l’histoire du salut en Jésus Christ, une lecture qui met sur un piédestal les personnages bibliques comme Marie et qui, au même temps ou à travers une telle lecture, rabaisse les femmes réellement existantes (ou d’autres personnes dont la condition humaine ne correspond pas à la morale des milieux qui discriminent). Finissons avec une lecture supranaturaliste des miracles qui n’est qu’un moyen de repousser ceux et celles qui sont dans des situations de vie insupportables, lourdes et compliquées, en leur reprochant un manque de foi, sinon il y « aurait guérison », tout en nous déresponsabilisant nous-mêmes d’accomplir l’œuvre de « guérison » du Christ, telle qu’on peut la lire dans la bible, et cela sans croire que Dieu ait besoin de changer les règles de sa création pour que les humains soient sauvés : c’est notre regard sur les personnes en situation de handicap qui les handicapent, qu’elles soient femmes, étrangers, homosexuels, ou autres (voir 24heures de ce jour). Finissons enfin avec cette confusion entre fautes et péché qui instrumentalise la foi pour moraliser et démoraliser la vie d’autrui. Et oui, pour moi la création est bonne, Dieu le constate lui-même, pas parfaite, mais bonne, et Dieu n’a pas besoin de transgresser les règles qu’il s’est données pour y accomplir les miracles que nous sommes invités à accomplir nous aussi dans la suite de Jésus Christ. »

Enfin, je me permets d’ajouter quelques lignes de réponses que j’ai adressées à deux femmes catholiques qui m’ont directement sollicité, même si certains éléments se répètent :

« … j’assume le fond de ma pensée. Mon intention n’était pas d’abaisser Marie biblique, au contraire, mais contrer une instrumentalisation de ce personnage hautement estimable pour soumettre les femmes d’aujourd’hui, toujours et encore, comme dans le passé, à une vision d’infériorité ; je me bats contre la discrimination des femmes, contre toute forme de discrimination, tout en étant conscient d’être moi aussi discriminant. Je défends une Marie femme comme vous, même si je ne vous connais pas, humaine comme nous, moi aussi, choisie dans son humanité, notre humanité, pour devenir porteuse, donc ministre et ambassadrice, porte-parole du salut en Jésus Christ. Au lieu de faire de Marie un modèle inatteignable je dis :

« Regardez Marie, et Joseph, qui en situation familiale compliquée, ont assumé, les deux, ensemble, leur part dans ce projet inouï qu’est l’histoire du salut en Jésus Christ, ce que nous appelons l’Évangile. Nous aussi, avec nos forces et nos faiblesses, sommes appelés à faire de même, et Dieu nous en a donné les moyens, grâce à Marie, et Joseph, et leur enfant … »

Marie, n’en faisons pas un personnage sur piédestal, mais une compagne et amie de tous les jours ; et faisons de même pour Joseph. Leur histoire me dit : tout enfant, quelque soient les circonstances de sa naissance, est un enfant de Dieu, donc voulu et aimé par celui-ci, vous aussi, et moi aussi … »

Armin Kressmann 2017

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