Prêtres, pasteurs, ministres – La république et le sacerdoce universel (Pierre Viret, Dispute de Lausanne)

Réforme – Réformation – Dispute de Lausanne

« Si vous entendiez quelle différence il y a entre sacrificateur et prêtre et quel est l’office des prêtres, vous sauriez bien à quoi ils doivent servir et combien les bons prêtres sont nécessaires.

Sacerdoce ne signifie pas presbiter et n’est pas tout un, car sacerdoce, c’est celui qui est établi pour faire les sacrifices, c’est pourquoi nous l’appelons en français sacrificateur et non pas prêtre, qui signifie celui qui prêche la Parole de Dieu et annonce l’Evangile. Et de même que les autres langues mettent une différence entre ces mots sacerdos et presbiter, à caus que les offices sont différents, de même faisons-nous en français. Celui que nous appelons sacrficateur, les Hébreux l’appellent cohen, les Grecs hiéreus, les Latins sacerdos ou sacrificus. Mais ceux que nous appelons prêtres ne sont pas appelés par les Hébreux cohenim. Ni par les Grecs hiéreis, ni par les Latins sacerdotes ; mais en hébreu ils ont un autre nom, zekenim, en grec ils sont nommés presbuteroi1, qui signifie en latin seniores ou quasi senatores, ou en français anciens, non pas à cause de l’âge, mais ils sont ainsi nommés comme nous appelons senatores et senatus les conseillers et gouverneurs d’une ville, d’un pays ou d’une république, à cause qu’il ne faut pas qu’ils soient jeunes par la sagesse, conseil, science, expérience et bonne mœurs, mais fort anciens, nonobstant qu’il ne soient pas vieux par les années.

De même il faut que les prêtres soient comme les conseillers et conducteurs de la république chrétienne, qui est l’Église de Notre Seigneur, dans les choses spirituelles, pour conseiller et gouverner selon la Parole de Dieu la peuple chrétien, tout comme les autres sont constitués pour les choses temporelles et extérieures et ont les lois et leur glaive d’après cela …

Et, pour bien entendre le tout, il vous faut noter que, des premiers que vous appelez sacerdotes, nous n’en avons plus que faire, puisque Jésus y a mis fin, et qu’il est toujours vivant et n’a pas besoin de successeurs. Des autres, que nous appelons avec les Grecs prêtres et évêques, nous en avons toujours besoin, non plus pour offrir – à cela nous suffit Jésus-Christ – mais pour endoctriner le peuple, comme les apôtres ont fait sur le commandement de Jésus. Car c’est leur office … (Tite 1 ; 1 Timothée 3 ;Actes 20 ; 1 Pierre 5) … De la messe il n’est point là fait mention, ni d’autel, ni de chasuble, ni de corporaux, ni qu’on doit chanter, ni de toutes les cérémonies du pape. De quoi donc ? De prêcher, de pâtre le troupeau au moyen de la Parole évangélique, de fuir la tyrannie, la damnation et l’avarice, et de servir au peuple chrétien qui est le droit héritage de Dieu, que vous appelez clerus. Car clerus ne signifie pas seulement ceux que vous appelez clercs et prêtres faits par les évêques, mais l’héritage. Et l’héritage de Dieu, ce ne sont pas seulement les prêtres, mais tout bon chrétien. Et saint Pierre l’entend du peuple de Notre Seigneur, qu’il veut voir servi par les prêtres, comme serviteurs et ministres, à l’exemple du prince des pasteurs, Jésus-Christ. »

Pierre Viret ; La dispute de Lausanne (1536) ; René Deluz, Cahiers de la Faculté de théologie de l’Université de Lausanne VIII ; Lausanne 1936, p. 95s

1Presbus de pres-gus, « voran-gehend », celui qui va devant, guide ; i.-e. per- en avant (note AK)

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