Matthieu 6,24-34 (Mt 6,24-34) – Comment gérer ses soucis ? (commentaire, pistes exégétiques et homilétiques)

Dans la logique « En marche … » des Béatitudes :

Soucis il y a, qu’on le veuille ou non, et je ne peux pas croire que Jésus les ait reniés. Notre texte, me semble-t-il, ne polémique pas contre les soucis, d’une manière générale, mais les différencie pour nous ramener à ce que devrait être le soucis ultime : le soucis de l’autre, et de moi-même dans mon altérité. Cela se déploie quand on regarde (!) notre texte dans son contexte :

  • il y a inclusion (… des soucis !)
  • tout est une question de discernement, donc de regard sur …
  • en conséquence une question de foi et de confiance

Comment gérer ses soucis ?

Comment être intègre ?1

Devant la réalité redoutable du « œil pour œil et dent pour dent » (Mt 5,38-42), en tant que croyant (ou non-croyant, qui à travers ce cheminement de discernement de ses soucis devient croyant ; croyant en quoi, en qui ?), comment gérer ses soucis, et cela sans tomber dans la symétrie des reproches et de la vengeance. Ici, Jésus, à travers le témoignage de Matthieu, – d’une manière inductive, partant de la réalité humaine, de nos soucis quotidiens, donc d’une façon non-doctrinale -, développe, radicalise, universalise et actualise le commandement d’amour du prochain, ce qui a été déjà inscrit dans la Loi du Lévitique 19, les deux principes fondamentaux du judéo-christianisme, l’amour de l’Autre, autre et tout-autre :

Lv 19,1 « Soyez saints, car je suis saint, moi, le SEIGNEUR votre Dieu. », parallèle à Matthieu 5,48

Lv 19,17-18 « N’aie aucune pensée de haine contre ton frère, mais n’hésite pas à réprimander ton compatriote pour ne pas te charger d’un péché à son égard ; ne te venge pas et ne sois pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple : c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même. C’est moi, le SEIGNEUR. », parallèle à Matthieu 5,43-47

5,38-42 La réalité : « Œil pour œil. »

Et maintenant ?

5,48 De quoi s’agit-il ? Du rapport à l’A/autre – de l’intégrité !

« Soyez intègre comme votre Père céleste est intègre. »

5,43-6,18 D’amour (des ennemis, radicalisation de l’amour du prochain) et de prière

Titre et programme :

6,21 « Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. »

Analyse pratique, une question du regard et des priorités :

Une question de discernement :

v. 22 « La lampe du corps, c’est l’œil. »

Une piste, le Psaume 119,105 :« Ta parole est une lampe pour mes pas, une lumière pour mon sentier. »

Et voici l’alternative : v. 24 Ou Dieu ou l’argent – « Nul ne peut servir deux maîtres. »

v. 25-34 Les soucis

7,1.2 Le jugement – « Ne vous posez pas en juge »

7,3-5 L’œil – La poutre et la paille

7,6 Le trésor – Les perles

7,7-11 Demander – Prier

7,12 La règle d’or, résumé de la Loi et des prophètes

« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux. »

Elle est formulée positivement, « faites » (et non pas négativement, « ne faites pas », le « ne pas nuire » d’une éthique minimale), donc d’une exigence radicale ; cette éthique de réciprocité est maximale, du même ordre que le double commandement d’amour. En cela l’éthique chrétienne se distingue de l’éthique politique libérale minimale.

Je résume la structure :

Œil pour œil ? – Le discernement

Le rapport à l’A/autre – l’intégrité !

Il s’agit ’amour et de prière

Titre et programme : « Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. »

Analyse pratique, une question du regard et des priorités :

L’œil, le discernement : « La lampe du corps, c’est l’œil. »

Ou Dieu ou l’argent

Les soucis

Le jugement – « Ne vous posez pas en juge »

L’œil – La poutre et la paille

Le trésor – Les perles

Demander – Prier

La règle d’or, résumé de la Loi et des prophètes

Le défi qui nous est posé est : « Œil pour œil ? » ou amour de l’autre, même l’ennemi, implicitement l’amour non-narcissique de soi-même, un détachement de soi-même et une remise à autrui ?

L’œil est l’organe de discernement : que vois-je quand je regarde le monde, les autres et moi-même ? Ce qui fait « ob-stacle », ce qui est posé entre nous, ou la « beauté » de la création, les oiseaux du ciel, les lis des champs, autrui et moi-même tels que voulus par Dieu ? Est-ce que je vois la présence de Dieu, de l’ultime, en l’autre et en moi-même et, en conséquence, est-ce que je les traitent aussi comme tels, même là où ob-stacle, « ennemi », il y a ?

Le trésor, est-ce l’extériorité, le matériel, l’apparent, ou cette humanité partagée en laquelle nous sommes tous égaux ?

Le soucis, est-ce vraiment un soucis de l’autre, l’autre et moi-même dans notre altérité fondamentale partagée qui ne se laisse pas ramener à une mêmeté apparente par le matériel, dont l’argent est la forme « accomplie » ?

Dieu ou l’argent ?

Armin Kressmann 2017

1Ou « saint » ou « parfait », Mt 5,48 dans la traduction de la TOB ; « téléioï », il s’agit d’une finalité : quelle fin est la nôtre ? Ou quelle finalité nous nous accordons à nous-même ?

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