Deuxième lettre aux Corinthiens 5,14-21 (2 Co 5,14-21) « Laissez-vous réconcilier », avec vous-même, l’autre et le tout-autre – Commentaire ; notes exégétiques et homilétiques

v. 14 « l’amour du Christ nous étreint » (TOB, Traduction oecuménique de la Bible), « nous domine » (français courant »,

« drängt uns » (Einheitsübersetzung), « hält uns in ihrer Gewalt » (Wendland)

« umgibt uns » (Zürcher Bibel) …

grec « synechein »,

« zusammen -, beisammenhalten, verbinden, umschliessen,

in Schranken halten, festhalten, beschäftigen

zusammenstossen, vereinigen, erhalten, ergreifen »

… donc, nous tient, nous unit, nous lie et relie, nous contient, nous environne, nous occupe et nous pousse,

… comme contient l’eau le poisson.

L’amour (du Christ) est donc le milieu dans lequel la réconciliation a lieu, il est lui-même déjà réconciliation … « laissez-vous baigner dans, porter et imprégner par l’amour du Christ » … et réconciliation il y a ainsi

  • avec Dieu

  • l’autre

  • et vous-même

Laissez-vous faire !

Il s’agit d’une passivité sereine et confiante ; si vous vous laissez faire, par Dieu, en Christ,

« lui qui n’avait pas connu le péché, lui qui, pour nous, a été identifié au péché, par lui, vous devenez justice de Dieu » (v. 21)

« Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (v. 20) …

… avec cet amour dans lequel vous êtes déjà plongé.

C’est une exhortation à une passivité, une invitation à recevoir ce qui est déjà là :

« Tout vient de Dieu, qui nous a réconcilié avec lui par le Christ …

et nous a confié le ministère, la tâche, le service de réconciliation » (v. 18).

« L’amour du Christ » dans ses deux dimensions,

d’abord l’amour que le Christ nous porte,

puis l’amour que nous portons nous-mêmes au Christ.

C’est vraiment comme l’eau dans lequel le poisson nage, comme l’air que nous respirons et que nous échangeons les uns avec les autres, qu’on le veuille ou non, tous et toutes, les « bons et les méchants ». Cet amour nous englobe tous, nous ne pouvons pas lui échapper, et par conséquent à la réconciliation non plus.

Celui ou celle qui en résiste meurt, il renonce à respirer … respirer amour et réconciliation.

Le péché est de ne pas respirer l’amour qui est là et nous entoure, ni l’inspirer, ni l’expirer.

La spiritualité chrétienne est l’amour, spiritualité même au sens propre du terme, donc au sens de respiration.

C’est donc le contraire de ce qui nous est normalement annoncé en Église, cette invitation à « nous réconcilier », activement, tel qu’il est aussi avancé par le dossier de la « Semaine de prière pour l’unité des chrétiens 2017 ».

Amour il n’y a qu’un, et il nous précède, les œuvres d’amour ne peuvent être conséquences, donc aussi toute morale ou éthique, comme péché il ne peut avoir qu’un seul, celui de refuser de respirer, d’échanger l’air de l’amour les uns avec les autres, quelque soientt nos qualités humaines, bonnes ou mauvaises. Et comme les « bonnes oeuvres » ne sont que conséquences de l’amour, les « mauvaises », donc les manquements, transgressions et fautes, « Verfehlungen » (v. 19) ne peuvent qu’être conséquences du péché. Péchés au pluriel est paganisme ; il n’y en a qu’un seul péché, celui de se couper de l’autre

  • de Dieu

  • des autres

  • et de soi-même.

« … il n’y a chez Paul ni pessimisme, ni moralisme, ni aucune intention culpabilisante : cette pédagogie-là lui est absolument étrangère. La vérité , c’est qu’à la lumière de l’évangile il a fait une analyse étonnamment pénétrante de la condition de la vraie liberté et de ce qui la pervertit. La liberté se perd elle-même, quand se retournant en quelque sorte sur elle-même, prenant possession d’elle-même, elle refuse cela même qui est la condition de sa réalité.

Si le péché est cela, il est bien évident qu’on ne sort pas de ce piège avec un peu de morale optimiste. L’homme peut certes ressentir les conséquences ; mais même s’il était capable de vouloir en sortir, il retomberait toujours sur lui-même. La relation à Dieu pervertie en convoitise ne peut, par elle-même, se reconvertir en amour et en confiance. » (Christophe Senft ; Jésus de Nazareth et Paul de Tarse ; Labor et Fides, Genève 1985, p. 77)

Comme Jésus, Paul ramène tout à l’amour, reçu et transmis, comme la respiration,

pour nous au niveau pragmatique au double commandement d’amour et sa reformulation pour notre temps :

aimer l’autre et soi-même dans son altérité.

C’est ce qui nous intrigue chez nous et chez l’autre que nous devrions avec bienveillance « sonder, pénétrer », donc « aimer », et qui devrait nous « pousser en avant », ce sont nos altérités dans lesquelles nous baignons et qui nous « poussent nous-mêmes en avant », aussi là où nous sommes ou devenons étrangers à nous-mêmes, dans notre corps, notre psyché, notre âme et notre esprit. Et pour sortir de ce qui nous enferme, nous étouffe, nous devons respirer l’autre, en sa dimension « aimable », son ouverture à l’autre, à nous, ses autres.

Mais, n’y a-t-il pas de limite ? L’air, ne peut-il pas être pollué ? Qu’est-ce qui doit être toléré et qu’est-ce qui est intolérable ?

Armin Kressmann, 2017

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